jeudi 27 juin 2019

Match entre la journaliste libanaise Dima Sadek et le journaliste israélien Barak Ravid à propos d'une bouteille de bière Almaza (Art.623)


• 🇮🇱 vs 🇱🇧 • On peut s’enorgueillir jusqu’à en avoir des crampes dans le diaphragme en regardant en boucle le reportage à l’eau de rose diffusé par la chaine française TF1 le weekend dernier, lien dans les commentaires. Pardonnez-moi cette entrée en matière sarcastique, il n'empêche que je tire sincèrement mon chapeau à toutes celles et ceux qui tentent de laisser le Liban dans un meilleur état que celui dans lequel ils l’ont trouvé. Mais bon, il y a un peu trop de complaisance et de clichés dans ce documentaire à mon goût. Il ne manquait plus que de nous resservir qu'au Liban « il est possible de nager et de skier dans la même journée ». En tout cas, on peut répéter en boucle -jusqu’à entrer en transe, comme Amir, proprio d’une maison d’hôtes- qu’ « il n’y avait pas de jardin public (dans la capitale libanaise) parce que toutes les maisons avaient leurs jardins, Beyrouth était connue comme la ‘ville-jardin’ ». Hehehe, encore plus fort que l’autre mythologie :D

Toujours est-il que la réalité est bien différente, elle nous attend au tournant! Beaucoup de monde était réuni à Bahreïn mardi et mercredi, pour discuter du « deal du siècle » du bouffon de Washington que j’ai vivement dénoncé dans mon dernier article, parce qu'il conduira à l'implantation de 0,5 million de réfugiés palestiniens au Liban, comme j'ai dénoncé l'autre « deal du siècle », encore plus grave, du tyran de Damas, qui conduira lui à l'implantation de 1,5 million de réfugiés syriens dans notre pays.

Israël n’était pas invité. Mais Barak Ravid a obtenu un visa d'entrée. D’après une petite recherche, c’est un jeune journaliste de télé israélien. Il est le premier de ses collègues à se rendre officiellement dans un pays du Golfe. La veille de l’ouverture de ce sommet mort-né, lundi, il a posté la photo d’une bouteille de bière dans la main, Almaza svp, achetée dans ce royaume musulman soit dit au passage!, accompagnée du commentaire suivant : « Avec de la bière libanaise à Bahreïn. Un nouveau Moyen-Orient. » Je vous passe les commentaires à côté de la plaque qu’il a reçus sur Twitter des quatre coins du monde arabe, des gens vivant encore dans d'autres bulles mythologiques.

Trois jours plus tard, il y a deux heures, Dima Sadek, une jeune journaliste de télé libanaise, s'est décidée à frapper fort et à répliquer sans ménagement. Elle a partagé la photo incriminée avec un commentaire intraductible à vrai dire, mais qui, à moins que je ne me trompe, dit ceci : « Ce Moyen-Orient là, restera ta tante », si si !, avec un point d’exclamation et une petite allusion linguistique à l’Egypte (« da »). خالتك Khalto, sa tante ? 🤔 A moins qu'elle n'ait oublié le i de خيالتك, ton imagination, ah ha!

Dans les deux cas, impressionnant, waouh! Quelle réplique géopolitique, quelle investigation, quel trait d’esprit, quel sarcasme, quelle finesse, quelle Dima wlo, hein! Elle lui a cloué le bec, filé la nausée et dégoutté à jamais de la bière libanaise. Moi par exemple, je n'aurai pas su répondre avec autant de subtilité, de fermeté et de rigidité, je me serais limité à wlak ba2ta inchallah. Inutile de vous décrire le déluge de commentaires élogieux qu’elle a reçus des quatre coins du Liban, notamment de la part de quelques zozos huit-marsiens d'habitude plus portés vers les menaces les plus ignobles, viol compris (c'est tout frais !), que vers le débat démocratique.

Enfin, Etat hébreux vs Pays du Cèdre, un très beau match par réseaux sociaux interposés entre journalistes de télé, dont les pays sont officiellement en état de guerre. Mais à vrai dire et à votre avis, qui l’a emporté en terme d'image ? 😋


mardi 25 juin 2019

Pendant que les Libanais se chamaillent sur une « décision municipale », les « deals du siècle » de Trump et d’Assad implanteraient deux millions de Palestiniens et de Syriens au Liban (Art.622)


Le conseil municipal de Hadath, ville limitrophe de Beyrouth, a pris la décision d’interdire la vente et la location de biens immobiliers à des ressortissants non chrétiens. Le président du conseil, Georges Aoun, justifie la mesure radicale par un fait, on est passé d’une ville chrétienne à 100% autrefois à une ville chiite à 60% de nos jours. Ce n’est même pas nouveau, la décision date de 2010. Un cas récent a remis l’affaire sur le devant de la scène. Etant donné la gravité du sujet, neuf réflexions s’imposent.

1 Comment on est arrivés à interdire aux Libanais musulmans de louer et d'acheter des biens dans une « ville chrétienne »?
2 De la xénophobie à la discrimination : le cheminement habituel de la pensée extrémiste
3 Et si la municipalité de Hadath fait ce que beaucoup de municipalités libanaises aimeraient faire?
4 Allez acheter markad 3anzéh bi jabal lebnan, une baraque et un lopin de terre dans le Chouf par exemple
5 Hadath, une double atteinte à la Constitution libanaise et aux libertés fondamentales, des musulmans et des chrétiens!
6 Les deux cas de figure à Hadath : le citoyen Hassan et le militant Hussein
7 Hadath aujourd'hui : des chrétiens vivant dans la peur du changement démographique et des musulmans étrangers dans leur propre pays
8 Du « changement démographique » à la « continuité territoriale » : la stratégie du Hezbollah
9 Grâce à Trump et Assad, le Liban aura droit non pas à un mais à deux « deals du siècle »: une aubaine et des dizaines de milliards de dollars, mais à quel prix?

« Pendant que les Libanais se chamaillent sur une "décision municipale", les "deals du siècle" de Trump et d’Assad implanteraient 2 millions de Palestiniens et de Syriens au Liban ». Cause perdue? Non, à condition de nous ressaisir et nous unir dans l'intérêt suprême de la patrie pour rejeter catégoriquement ces cadeaux empoisonnés offerts par le bouffon de Washington et le tyran de Damas.


jeudi 20 juin 2019

Le monde de l’opulence : de l’anniversaire de Carlos Ghosn au Château de Versailles aux vacances de Barack Obama dans un mas de Provence (Art.621)


Il a fallu attendre le 9 mai 2019 pour découvrir quelques secondes de cette soirée spéciale du 9 mars 2014. Et pourtant, depuis cinq ans un film circulait en privé. Sur le carton d’invitation, les convives éclairés ont pu déchiffrer le message invisible écrit avec du jus de citron. « Venez voir tout Versailles est en émoi, pour souffler soixante bougies avec moi. Qu’importe si notre présence n’est pas légale, du moment que Renault-Nissan régale. » 😋

Sur cette vidéo d’un autre monde, on voit des invités en tenue de gala au Château de Versailles, des figurants en habits d'époque, une interminable tablée et un fabuleux feu d’artifice. Dans cette soirée d’un autre temps, il y avait des bouffons et de la musique baroque pour amuser la galerie et un grand chef Alain Ducasse pour servir les convives. Si l’ambition a conduit ce Franco-Brésilo-Libanais des prestigieuses écoles Jamhour-Stanislas-Polytechnique-Mines à la société Michelin, la mégalomanie l’a fait tomber de l'Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi dans une geôle nippone. Une chute vertigineuse qui n’est pas sans rappeler la saga de Barry Lyndon, un film mythique réalisé par Stanley Kubrick.

Carlos Ghosn a rendu Renault rentable et sauvé Nissan de la faillite. Il a fait de l'Alliance, le numéro un mondiale de l’automobile. De cet angle de vue, c’est un patron hors normes. En contrepartie, il était gracieusement rémunéré, plus de 100 millions d’euros entre 2009 et 2016, largement de quoi payer ses frasques à Versailles, Cannes, Beyrouth, Tokyo et Paris. Comme si ce n’était pas suffisant, il a profité de son poste et abusé de ses fonctions à des fins personnelles. C’est un fait et c’est illégal.

Après le visionnage de cette vidéo, quelque chose nous taraude de nouveau. La fête organisée par Carlos Ghosn à Versailles le 9 mars 2014 est grotesque. Ça ne fait pas débat. Tout est déplacé. Alors la question que je me pose aujourd’hui est de savoir comment un homme aussi intelligent peut tomber si bas ? La réponse est sans doute complexe et multiple.

Deux anecdotes pour finir. La première concerne l’idée « Ghosn président », de la République libanaise pardi, et la seconde est en rapport avec Barack Obama, qui a cherché à le débaucher pour le mettre à la tête de General Motors. A propos, vous ne savez pas la meilleure ? Depuis samedi, l’ex-président américain se la coule douce en Provence dans une baraque à 55 000 euros la semaine. Un autre exemple pour illustrer l’état du monde de l’opulence de nos jours 🤔


jeudi 13 juin 2019

La municipalité de Beyrouth doit cesser de polluer l’environnement avec ses insecticides (Art.620)


Cette scène surréaliste se déroule à Beyrouth. Voici texto avec quelle fierté elle a été annoncée urbi et orbi. « Les travaux de pulvérisation d'insecticides effectués par la municipalité de #Beyrouth (Jamal Itani), par l'intermédiaire du contractant, sont toujours en cours, sous la direction du gouverneur de la capitale libanaise, Ziad Chbib, avec la perspective d’inclure tous les quartiers et toutes les rues de Beyrouth. » Et n’allez pas croire que c’est une spécialité beyrouthine, ça se passe de la même façon partout au #Liban, depuis longtemps déjà ! Et ce n'est pas tout, dans le privé, on fait pire. Bars, restaurants et pâtisseries, magasins et hôtels, pelouses et plages, sont carrément stérilisés avec des produits chimiques avant l'arrivée des heureux clients. Dans l'agriculture, on n'est pas regardant, tous les excès sont permis pour fournir aux bienheureux consommateurs des fruits et des légumes impeccables.

Comprenne qui pourra ! Comment peut-on espérer avoir un environnement sain sans une prolifération incontrôlable des insectes nuisibles dans des conditions si favorables qu'au Liban et avec des gens aussi inconscients que certains dirigeants municipaux et chefs d'entreprise ? Ces actions irréfléchies ne feront qu’aggraver le problème à long terme. Elles sont non seulement d’une efficacité médiocre parfois, c'est le cas de l'action municipale à Beyrouth, mais en plus, les substances chimiques pulvérisées par le secteur public comme dans le privé, nuisent gravement à la santé humaine et à l’environnement.

Les municipalités et les sociétés qui sont déterminées à lutter contre la prolifération incontrôlable des insectes nuisibles au Liban doivent cesser immédiatement d'inonder la nature avec des molécules hautement toxiques, protéger l’écosystème libanais en veillant à rétablir l’équilibre rompu par les activités humaines et informer la population sur le défi existentiel du 21e siècle.

Au Liban et ailleurs dans le monde, nous devons choisir. On a deux options, pas trois.

• Soit de vivre en harmonie avec tous les êtres vivants de notre écosystème. Notre intelligence ne nous donne pas plus de droit sur les autres animaux et insectes, bien au contraire, elle nous donne plus de responsabilités pour gérer au mieux cette cohabitation et protéger les êtres vivant avec nous quand il le faut. Non seulement il y a des moyens écologiques efficaces contre les insectes nuisibles, mais dans ce domaine plus qu'ailleurs, il faut agir en amont et surtout, laisser Dame nature faire.

• Soit de vivre comme une espèce égoïste qui se croit au-dessus de tous les êtres vivant sur Terre. Cette attitude conduira inéluctablement à la détérioration de notre écosystème. Certes, nous survivrons, mais nous nous engageons dans une lutte sans fin contre les insectes nuisibles, avec un prix exorbitant à payer, une explosion des cas de cancers à cause de la contamination de l’air, des sols et des eaux par des molécules hautement toxiques.


vendredi 7 juin 2019

Coupe du monde féminine vs Coupe du monde masculine, c'est le café Arabica vs le café Robusta. Retour à l'authenticité du football (Art.619)


C’est un jour comme les autres au Liban, alors qu'il ne devrait pas l’être. Ce soir à 21h, du Parc des Princes à Paris, on donnera le coup d’envoi d’un nouveau Mondial. Mais alors, où sont l’effervescence dans les rues de Beyrouth, les drapeaux sur les balcons, les posts enflammés sur les murs, wel tezrikk, almaniya-brazill ? 🤔 Nulle part. Et pour cause, il s’agit de la Coupe du monde féminine de football et les amateurs de foot libanais sont des machos comme les autres 😉 Ainsi va le monde. En France non plus, il n’y ni effervescence ni drapeaux ni posts. Rien à voir avec ce que nous avons connu l’année dernière. Et pourtant, on est dans le pays organisateur !

Un intéressé par le football comme mahsoubkoun, pas un passionné nuance, vous dira que le foot féminin est l’Arabica du café, l’espèce de caféier qui a une plus grande richesse en arômes et une plus faible teneur en caféine, alors que le foot masculin est le Robusta du café, l’espèce de caféier qui a une plus faible richesse en arômes et une plus grande teneur en caféine. En somme, le foot féminin est plus fin, alors que le foot masculin est plus puissant. Personnellement, c’est un Arabica le matin et un Robusta l’après-midi, et dans la foulée, un Mondial féminin les années impaires et un Mondial masculin les années paires. Les deux types de mondial ne se valent pas, pas plus que les deux types de café du monde.

Pendant ce temps, des machistes du football comme il y en a à la pelle, tiendront un autre raisonnement. Mondial féminin ! He he he, autant regarder un match de « Ligue 3 », dite National . Sympa les gars. Les machistes ascendance phallocrate, vous diront qu’un Mondial féminin a cette merveilleuse capacité de nous faire remonter le temps, on a l’impression d’être en Uruguay en 1930. Toujours sympas.

Minute !, et si tous ces machistes sans frontières avaient en fin de compte raison ? Mais ouiiiii, attendez, c’est quoi le point commun entre le foot féminin, les matchs du championnat de France de football de troisième niveau et les Coupes du monde des années 1930, 1950 et 1960, 1970 et 1980 ? L’authenticité voyons. Marre de Neymar & Co dont le transfert au PSG a coûté 222 millions d’euros, un record, alors que c’est un footballeur qui passe un tiers de son temps de jeu debout, un tiers assis et un tiers par terre. Ras-le-bol de Ronaldo & Co qui a gagné en 16 ans, 2002-2018, plus de 750 millions de dollars en salaires, primes et contrats publicitaires, génial en club, médiocre au Mondial, il est champion incontesté de l’évasion fiscale avec 150 millions d’euros dissimulés dans des paradis fiscaux.

Alors vous comprenez le foot féminin est en quelque sorte un retour aux sources de l’authenticité qui a longtemps caractérisé cette discipline sportive. Un détail pour tout comprendre, les footballeuses, peut-être pas celles de la Ligue 1, sont parfois obligées d’avoir deux emplois. C’est grâce à un boulot alimentaire qu’elles peuvent se consacrer à leur passion, le foot. C’est pour dire à quel point elles ont du mérite. Franchement respect !

Le Mondial féminin n’existe que depuis 1991. Il est dominé par les Américaines (3 fois championnes du monde), les Allemandes (2 fois), les Norvégiennes (1 fois) et les Japonaises (1 fois), ainsi que les Suédoises, les Brésiliennes, les Chinoises, les Anglaises, les Canadiennes et les Françaises. Pour cette neuvième coupe, 24 équipes féminines s’affronteront. Les arbitres sont aussi des femmes. Le match d’ouverture ce soir opposera les Françaises aux Sud-Coréennes. La finale est programmée pour le 7 juillet. Alors, bonne chance les filles, que les meilleures gagnent, notamment les Bleues, e-sss ☺️



jeudi 6 juin 2019

Pour l’architecte en chef des monuments historiques, la reconstruction de Notre-Dame de Paris doit être à l'identique (Art.618)


Notre-Dame de Paris, la suite. Enfin, Philippe Villeneuve, l’architecte en chef des monuments historiques, a eu le temps de s’exprimer sur le sujet. C’est que l’homme ne chôme pas. Il y a en France 43 600 immeubles classés et inscrits au titre des monuments historiques, ainsi qu’environ 300 000 « mobiliers » dans la même catégorie. "Immeubles" entendu au sens juridique du terme, tout ce qui ne peut être déplacé. Un tiers des monuments historiques en France sont des édifices religieux, essentiellement chrétiens, et la moitié des propriétés privées.

Sur le site du ministère de la Culture, on apprend que le statut de monument historique est « une reconnaissance par la Nation de la valeur patrimoniale d'un bien ». Cette protection implique « une responsabilité partagée entre les propriétaires et la collectivité nationale au regard de sa conservation et de sa transmission aux générations à venir ». C’est pour dire que toutes ces mauvaises langues de mauvaise foi, comme le politologue franco-libanais Ziad Majed pour ne citer que lui, ne savaient absolument pas de quoi elles parlaient en critiquant l’émotion nationale et internationale déclenchée par l’incendie du monument historique le plus visité de France,la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Toujours est-il que l’architecte en chef des monuments historiques a dressé l’état des lieux le 4 juin. « Le 15 avril, on a perdu la charpente, une couverture, une flèche et 20 % des voûtes hautes. Les vitraux, le mobilier, le trésor et l’orgue sont intacts. Cela aurait pu être bien pire. » Mais encore, « Nous sommes dans la phase urgence impérieuse. Aujourd’hui, on ne peut absolument pas garantir que le monument va tenir debout (…) la voûte pourrait très bien s’effondrer la semaine prochaine. » C’est pourquoi 150 personnes travaillent toujours d’arrache-pied pour consolider l’édifice avant le début des travaux de reconstruction.

Et sur ce point Emmanuel Macron est attendu au tournant. « Le gouvernement veut lancer un concours international. Déjà on voit fleurir des dizaines de projets d’architectes. Je vais dire ce que j’ai à dire et, ensuite, le gouvernement tranchera. » Disons que toute idée d’introduire de l’art contemporain sur ce joyau architectural de l’art médiéval, comme le souhaitent certains, n’est pas la bienvenue pour beaucoup de monde, vous, moi et tant d’autres, Philippe Villeneuve en tête. Chacun ses arguments. Voici ce qu’en pense l’architecte en chef des monuments historiques de France : « Depuis l’incendie, on a pris conscience que la flèche de la cathédrale datait du XIXe siècle. Qui parmi les 13 millions de visiteurs annuels le savait ? La grande force du chef d’œuvre d’Eugène Viollet-le-Duc, c’est qu’il n’était pas datable. Il s’intégrait à un chef-d’œuvre médiéval du XIIIe siècle. C’est cela qu’il faut retrouver… Pour moi, non seulement il faut refaire une flèche, mais il faut la refaire à l’identique, afin justement qu’elle ne soit pas datable. »

C’est exactement ce que j’ai écrit il y a trois semaines, le 17 mai, à l’occasion du décès de l'architecte sino-américain Ieoh Ming Pei, auteur de la très controversée Pyramide du Louvre à Paris. « A la dernière grande restauration de l’édifice, au 19e siècle, Viollet-le-Duc a modifié profondément la façade, les deux côtés et le toit. Il a même rajouté une flèche inspirée de celle d'origine qu'on avait démontée au 18e siècle à cause de sa vétusté. Peut-on s’en douter aujourd’hui ? Impossible. Qui peut s’en douter ? Personne. Il est là le génie de cet architecte français. Restaurer, construire et reconstruire en respectant la cohérence de l’ensemble en général et l’harmonie de l’édifice en particulier. On retrouve plusieurs styles architecturaux dans Notre-Dame de Paris. Et pourtant, on a l'impression qu'il n'y en a qu'un, le gothique, un art d’origine française. »

C'est bien parti a priori, nous sommes rassurés. Mais affaire à suivre quand même. Et de près!


samedi 1 juin 2019

Qui veut la peau de l’Université libanaise ? Survol du budget incohérent du Liban pour 2019 (Art.617)


Tout a commencé avec les palabres sur le budget. 1 234 pages, pour faire croire qu’ils sont sérieux. Ils espéraient avoir un chèque en blanc. Ils nous disent que la loi libanaise de finances 2019 prévoit des coupes drastiques. Nous applaudissons. C’est que l’heure est grave. Les dirigeants libanais ne peuvent plus nous bercer en nous chantant "Tout va très bien Madame la Marquise". La dette publique du Liban est abyssale, elle dépassera prochainement les 100 milliards de dollars (200% du PIB). La classe dirigeante est impatiente de récupérer les 11 milliards $ de dons et de prêts de la conférence CEDRE. Parfait. Le problème c’est que tout indique qu’ils n’en feront pas bon usage et que les choses iront de mal en pis.

Ils prévoient des dépenses de 17 milliards de dollars alors que les recettes ne dépasseront pas les 13 milliards $. Pour y parvenir, on aura droit aux coupes budgétaires, parfois, pas toujours, sachant qu’il y a coupe et coupe. Lorsque les dirigeants occidentaux découvriront avec quel mépris les dirigeants libanais ont taillé dans le budget de la seule université gratuite au Liban, dans un pays qui devient progressivement inabordable pour sa population, ils mettront ces derniers sur la paille et récupéreront leur argent sur le champ.

*

On prévoit une baisse du budget de l’enseignement supérieur public au pays du Cèdre de 25 000 000 $ et une diminution de 3 300 $ seulement du budget salarial du Parlement (smalla wou yekhzil3ein!).

On affectera 1 700 000 000 $ au secteur électrique, sachant que le vol du courant électrique est monnaie courante aux quatre coins du Liban et peut atteindre 70% dans certaines régions. Ça va aller ou je continue ?

Les budgets salariaux de la Présidence du Conseil des ministres et de la Présidence de la République augmentent. Idem pour le ministère des Affaires étrangères, mais alors là c’est carrément 8 millions $ de plus. Le budget de l’Intérieur baisse de 2,2% quand c’est 8,8% pour l’Université libanaise. A la Défense, au budget gigantesque (1 900 millions $), on envisage même une augmentation (ah seulement de 3,7 millions $ ; ma bé3acho el chabeb wlo !). A la santé, on baisse le budget des soins primaires et bucco-dentaires. Le pompon, à l’Energie et l’Eau, on prévoit une petite augmentation pour le budget salarial, sans doute pour les services rendus, les coupures électriques depuis 1990.

Dans les dépenses, une ligne retient toute l’attention au moment où Hassan Nasrallah exprime son intention de réaliser un remake des "Tambours de la guerre" : 20 millions $ pour « compléter le paiement des indemnités de l’agression de juillet ». Hein ? Rappelez-vous, la guerre de 2006 où Israël a bombardé massivement le Liban pendant 33 jours, il y a 13 ans, une guerre déclenchée par le Hezbollah pour libérer un Samir Kantar, emprisonné en Israël depuis 1979 suite à une opération palestinienne en territoire israélien et qui est allé mourir dans les bras du tyran de Damas. Et pour le CDR, le Conseil du développement et de la reconstruction, et de la destruction de la magnifique prairie de Marj Bisri au Sud-Liban aussi (pour construire un aberrant barrage), une présentation biaisée des comptes laisse apparaitre que son budget général, qui inclut les financements internationaux en 2018, est en baisse de 45,5%, alors qu’en réalité le budget alloué aux chantiers en cours d'exécution en 2019, financés par l'argent des contribuables libanais, est en hausse de 52,6%, du jamais vu.

*

On voit bien de ce survol du budget pour l’année 2019 quelles sont les priorités des dirigeants du Liban. L’incohérence des choix économiques des ministres et des députés libanais, kelloun ye3né kelloun, saute aux yeux. C’est ce qui nous amène à nous interroger sur l’utilité et la finalité d’une mesure qui manque singulièrement d’intelligence. Y a-t-il une volonté du pouvoir libanais et des partisans de la privatisation de tout (y compris de l’air qu’on respire au moment venu), et des lobbies des universités privées qui poussent comme des champignons au Liban et dont la qualité de l’enseignement laisse beaucoup à désirer, d’obliger les classes moyennes libanaises à se saigner pour envoyer leurs filles et fils dans 47 universités privées hors de prix, déjà qu’ils peinent à les conduire jusqu’au bac ?

La coupe budgétaire concernant l’Université libanaise est une honte -pour l'ensemble du gouvernement Hariri, les 128 députés de la nation et tous les partis politiques sans exception- qui restera coller sur le dos de ceux qui l'ont adopté et la voteront. Elle est la marque d’une classe politique, et d'une frange de la population, incapables de comprendre qu’on évalue un pays, entre autres, à la qualité de ses services publics, notamment de son système éducatif, et non à celle de son front de mer, ses rooftops et ses narguilés 🤫



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