Hier dimanche, alors que les fidèles chrétiens catholiques et protestants célébraient Pâques et les fidèles chrétiens orthodoxes les Rameaux, des terroristes ont mené une série de huit attaques coordonnées et odieuses aux Sri Lanka visant plusieurs églises, en pleine messe, et des hôtels luxueux, fréquentés par des touristes occidentaux, dans la capitale Colombo et d’autres coins du pays. Une bombe a même été désamorcée sur la route de l’aéroport. Un peu moins d'une centaine de détonateurs de bombes ont été retrouvés dans une gare de bus de la capitale. Au total, on dénombre 253 morts, dont une trentaine de nationalité étrangère, et près de 500 blessés. C’est une autre journée très sombre dans l’histoire de l’humanité.
L'état d'urgence a été décrété pour des raisons de sécurité et les réseaux sociaux bloqués jusqu’à nouvel ordre afin d'éviter la propagation de fake news. C’est que le terrain est fertile et l’époque propice. Ces attaques terroristes n’ont pas été revendiquées. La police a procédé à une quarantaine d’interpellations. On ne sait pas encore, comme le laissent entendre certaines sources, si toutes les personnes arrêtées appartiennent au mouvement National Thowheed Jamath (NTJ), une organisation musulmane fondée en 2004 et basée en Inde, aux nombreuses branches installées au Sri Lanka, au Qatar, en Arabie saoudite, en France et aux Etats-Unis, et aux nombreuses actions sociales, qui encourage ses adeptes au don de sang et qui prétend prêcher le véritable islam. Et pourtant, certains ont fait le lien. C’est que ce mouvement, jusqu’alors sans trop d'histoires, s’est fait remarquer l’an dernier par des actes de vandalisme contre des lieux bouddhistes. Si l'on croit les dernières déclarations du porte-parole du gouvernement srilankais, le NTJ est bel et bien derrière ce carnage. C'est donc une première.
Alors que l’enquête est en cours et on n’en sait pas plus pour l’instant, on note deux faits troublants dans le drame sri-lankais.
D’un côté, on apprend à travers les rares dépêches qui circulent sur le sujet que le chef de la police nationale sri-lankaise, sur la base d'infos reçues d'un service de renseignement étranger, aurait alerté les autorités locales contre le risque d’attaques islamistes lors de la fête de Pâques, il y a une dizaine de jours. Si l’info est véridique, l'homme doit être limogé sur le champ et poursuivi pour son incompétence.
D’un autre côté, on sait que la majorité si ce n'est pas la totalité des attaques terroristes sont des attentats-suicides. C'est ce qui laisse penser que les attaques sri-lankaises auraient été commises par des islamistes. C'est ce que laisse entendre certains responsables srilankais. Pour le Soufan Center, une organisation privée basée à New York, créée par un ex-agent américano-libanais du FBI, dédiée à la recherche et aux analyses portant sur les questions de sécurité mondiale et les menaces émergentes, ces attaques rappellent celles des groupes salafistes-jihadistes, notamment al-Qaeda. Idem pour un cabinet de conseil en sécurité, ISS Risk, basé à Hongkong.
Toutefois, plusieurs éléments sèment le doute.
Sur la forme, d'après l'ampleur et la précision des attaques terroristes qui ont eu lieu ou qui ont été avortées, on peut dire que ce sont les oeuvres d'un groupe organisé, déterminé, expérimenté et qui a tous les moyens de mettre en action ses projets criminels (humain, renseignements, matériel, finances, liberté d'agir, etc.). Alors, est-ce l'oeuvre de la petite organisation musulmane spécialisée dans les actions sociales? Est-ce qu'il y avait des signes de radicalisation qui ont été ignorés par les autorités ? Y a-t-il eu des complicités? Pourquoi al-Qaeda et Daech étaient si libres dans leurs actions et si puissantes au Sri Lanka? Pourquoi ces organisations terroristes, dont l'une est agonisante, responsables du 11-Septembre, 7-Janvier et 13-Novembre, n'ont-elle pas revendiqué les attaques tout de suite, même d'une manière opportuniste ? Dans tous les cas de figure, il y a d'autres suspects qu'il faudrait prendre en compte !
Sur le fond, les attentats-suicides nous rappellent un des événements marquants de l’histoire contemporaine de cette contrée d’Asie du Sud, l'assassinat le 21 mai 1991 du Premier ministre indien de l’époque, Rajiv Ghandi, alors en plein meeting électoral, par une kamikaze tamoule, donc hindouiste et non musulmane, à la suite duquel l’Inde cessera définitivement son soutien aux indépendantistes srilankais tamouls, vouant leur lutte à l'échec sur le long terme.
C'est ce qui nous amène à un point fondamental. Croire que les attentats-suicides sont propres aux islamistes, c’est mal connaitre l’histoire et la guerre civile srilankaises. Petit rappel.
Près de 70% des 22,6 millions de Sri-Lankais sont bouddhistes, le reste se répartisse en trois groupes de taille comparables, hindouistes, musulmans et chrétiens. Le pays a connu une longue guerre civile entre 1983 et 2009. Elle a fait de 70 000 à 100 000 morts. Plus de 140 000 personnes sont portées disparues. Elle a opposé officiellement le gouvernement srilankais à un mouvement indépendantiste. Officieusement, c’était une guerre entre la majorité cinghalaise de religion bouddhiste, et la minorité tamoul de religion hindouiste, la religion majoritaire de l’Inde, dont le fer de lance était le mouvement des Tigres de libération de l'Eelam tamoul, communément appelés les Tigres tamouls.
Face à la machine de guerre de l’Etat srilankais, aux exactions et aux exécutions du parti adverse, les rebelles tamouls adoptent rapidement le modus operandi des attentats-suicides. Le premier date de 1987, un tamoul se fait sauter en introduisant un camion piégé dans un camp de l’armée srilankaise (40 morts), inspiré sans doute par les attaques terroristes des marines américains et des parachutistes français en octobre 1983 à Beyrouth (près de 300 morts). Ceux-ci visaient aussi bien les cibles militaires, que les bâtiments civils (banque centrale, centre des affaires, etc.) ou les transports publics, et même les édifices religieux (attaque en 1997 de l’un des plus importants temples bouddhistes du monde de la ville de Kandy, classée patrimoine de l’humanité). Au total, la guerre civile srilankaise a connu jusqu’à 239 attentats-suicides attribués aux Tigres tamouls, dont un tiers ont été commis par des femmes. C’est ce qui a valu au mouvement d'être classé par l’Union européenne et les Etats-Unis sur la liste des organisations terroristes.
Il y a aussi un autre point inquiétant qui nourrit le doute. Au Sri Lanka, il n'y a pas que des extrémistes islamistes et tamouls, il y a également des mouvements extrémistes cinghalais bouddhistes, qui n’ont rien à envier aux mouvements fascistes européens. Le plus important d’entre eux est le Bodu Bala Sena (BBS). Créé en 2012, ce mouvement nationaliste a la particularité d’être à la fois islamophobe et christianophobe, une première mondiale. Il perçoit les musulmans comme des « envahisseurs », à l’instar du terroriste australien auteur du massacre de Christchurch, et les chrétiens, comme une menace sérieuse pour le bouddhisme.
En janvier 2013, le BBS prend d’assaut l’hôtel Cinnamon Bey de Beruwala, situé à une quarantaine de kilomètres de Colombo, afin de protester contre l’installation d’un « Buddha Bar ». Hasard ou non, l’attaque d’hier a concerné le Cinnamon Grand de la capitale. Le mouvement qui a pignon sur rue a déjà plusieurs actes de violence à son actif, visant à la fois des mosquées et des églises, ainsi que des commerces appartenant à des Sri-Lankais de confessions musulmanes et chrétiennes, dont il réclame la fermeture pure et simple. Derniers en date, des actes de vandalisme contre deux églises en janvier et l’agression physique d’un pasteur en mars. Bodu Bala Sena est impliqué dans les émeutes antimusulmanes qui ont frappé le Sri Lanka en 2014 (4 morts, 80 blessés, 10 000 déplacés, de nombreux magasins saccagés), comme en 2018 (pillage, attaques, incendies, etc.).
Entre 1983 et 2002, le Sri Lanka a vécu l’horreur de la guerre et la terreur des escadrons de la mort. Ils étaient de tous bords. C’est ce qui a poussé de milliers de Sri-Lankais, notamment des femmes, à fuir leur pays. Une émigration monnayée par les Tigres tamouls, qui y trouvaient une source de financement. C’est à cette époque que le Liban, pas uniquement, connaitra l’afflux massif de travailleurs domestiques au point que rapidement le terme « sri-lankaise » désignait une « travailleuse domestique » indépendamment de sa nationalité. Ces femmes, ont rendu et continuent à rendre, dans des conditions parfois précaires, un service inestimable à ceux qui les emploient. Alors s’il y a un peuple qui devrait exprimer sa solidarité avec le peuple srilankais, c’est bien le peuple libanais.
Toujours est-il que les tensions inter-religieuses au Sri Lanka n’ont jamais vraiment cessé depuis cinquante ans, notamment entre les communautés bouddhiste et hindouiste. Les extrémismes des deux bords se sont déjà illustrés de la pire manière dans le passé. La piste islamiste interne (NTJ ou autres), avec ou sans une aide externe (Al-Qaerda ou Daech), est peut-être seule responsable des huit explosions terroristes de dimanche. Mais pour être juste, disons aussi, même si rien ne le prouve pour l’instant, que vu ce qui précède, on peut se demander sérieusement si cette tragédie pascale abjecte ne fait pas partie du conflit cingalais-bouddhiste vs tamoul-hindouiste. On peut même imaginer une convergence des intérêts entre tous les extrémistes -islamistes, tamouls et bouddhistes- ou entre certains d'entre eux. Une chose est sûre, le gouvernement sri-lankais est pris en flagrant délit d'incompétence. La revendication tardive de Daech tombe a pic, pour détourner l'attention des Sri Lankais de cette évidence.
Autre certitude, les attentats de Pâques constituent un prolongement de la guerre civile. Ils viseraient à rallumer le feu de la discorde en faisant des victimes directes parmi la communauté chrétienne sri-lankaise et les touristes étrangers, et indirectes via les représailles contre la communauté musulmane sri-lankaise. Déjà que la situation des communautés chrétiennes et musulmanes en Sri Lanka n'étaient pas brillantes avant les attaques terroristes, on peut s'attendre au pire maintenant. C'est ce qui ressort du dernier rapport d'Amnesty International sur le pays pour les années 2017-2018. « La police n’a pris aucune mesure pour répondre aux menaces et aux violences physiques persistantes dont étaient victimes des chrétiens et des musulmans de la part de membres de la population et de sympathisants d’un groupe politique bouddhiste cingalais extrémiste. » Enquête à suivre avec beaucoup d’intérêt et une grande inquiétude. En attendant, que ces morts innocents reposent en paix et que justice soit rendue.
Photo Ishara Kodikara - AFP |
L'état d'urgence a été décrété pour des raisons de sécurité et les réseaux sociaux bloqués jusqu’à nouvel ordre afin d'éviter la propagation de fake news. C’est que le terrain est fertile et l’époque propice. Ces attaques terroristes n’ont pas été revendiquées. La police a procédé à une quarantaine d’interpellations. On ne sait pas encore, comme le laissent entendre certaines sources, si toutes les personnes arrêtées appartiennent au mouvement National Thowheed Jamath (NTJ), une organisation musulmane fondée en 2004 et basée en Inde, aux nombreuses branches installées au Sri Lanka, au Qatar, en Arabie saoudite, en France et aux Etats-Unis, et aux nombreuses actions sociales, qui encourage ses adeptes au don de sang et qui prétend prêcher le véritable islam. Et pourtant, certains ont fait le lien. C’est que ce mouvement, jusqu’alors sans trop d'histoires, s’est fait remarquer l’an dernier par des actes de vandalisme contre des lieux bouddhistes. Si l'on croit les dernières déclarations du porte-parole du gouvernement srilankais, le NTJ est bel et bien derrière ce carnage. C'est donc une première.
Alors que l’enquête est en cours et on n’en sait pas plus pour l’instant, on note deux faits troublants dans le drame sri-lankais.
D’un côté, on apprend à travers les rares dépêches qui circulent sur le sujet que le chef de la police nationale sri-lankaise, sur la base d'infos reçues d'un service de renseignement étranger, aurait alerté les autorités locales contre le risque d’attaques islamistes lors de la fête de Pâques, il y a une dizaine de jours. Si l’info est véridique, l'homme doit être limogé sur le champ et poursuivi pour son incompétence.
D’un autre côté, on sait que la majorité si ce n'est pas la totalité des attaques terroristes sont des attentats-suicides. C'est ce qui laisse penser que les attaques sri-lankaises auraient été commises par des islamistes. C'est ce que laisse entendre certains responsables srilankais. Pour le Soufan Center, une organisation privée basée à New York, créée par un ex-agent américano-libanais du FBI, dédiée à la recherche et aux analyses portant sur les questions de sécurité mondiale et les menaces émergentes, ces attaques rappellent celles des groupes salafistes-jihadistes, notamment al-Qaeda. Idem pour un cabinet de conseil en sécurité, ISS Risk, basé à Hongkong.
Toutefois, plusieurs éléments sèment le doute.
Sur la forme, d'après l'ampleur et la précision des attaques terroristes qui ont eu lieu ou qui ont été avortées, on peut dire que ce sont les oeuvres d'un groupe organisé, déterminé, expérimenté et qui a tous les moyens de mettre en action ses projets criminels (humain, renseignements, matériel, finances, liberté d'agir, etc.). Alors, est-ce l'oeuvre de la petite organisation musulmane spécialisée dans les actions sociales? Est-ce qu'il y avait des signes de radicalisation qui ont été ignorés par les autorités ? Y a-t-il eu des complicités? Pourquoi al-Qaeda et Daech étaient si libres dans leurs actions et si puissantes au Sri Lanka? Pourquoi ces organisations terroristes, dont l'une est agonisante, responsables du 11-Septembre, 7-Janvier et 13-Novembre, n'ont-elle pas revendiqué les attaques tout de suite, même d'une manière opportuniste ? Dans tous les cas de figure, il y a d'autres suspects qu'il faudrait prendre en compte !
Sur le fond, les attentats-suicides nous rappellent un des événements marquants de l’histoire contemporaine de cette contrée d’Asie du Sud, l'assassinat le 21 mai 1991 du Premier ministre indien de l’époque, Rajiv Ghandi, alors en plein meeting électoral, par une kamikaze tamoule, donc hindouiste et non musulmane, à la suite duquel l’Inde cessera définitivement son soutien aux indépendantistes srilankais tamouls, vouant leur lutte à l'échec sur le long terme.
C'est ce qui nous amène à un point fondamental. Croire que les attentats-suicides sont propres aux islamistes, c’est mal connaitre l’histoire et la guerre civile srilankaises. Petit rappel.
Près de 70% des 22,6 millions de Sri-Lankais sont bouddhistes, le reste se répartisse en trois groupes de taille comparables, hindouistes, musulmans et chrétiens. Le pays a connu une longue guerre civile entre 1983 et 2009. Elle a fait de 70 000 à 100 000 morts. Plus de 140 000 personnes sont portées disparues. Elle a opposé officiellement le gouvernement srilankais à un mouvement indépendantiste. Officieusement, c’était une guerre entre la majorité cinghalaise de religion bouddhiste, et la minorité tamoul de religion hindouiste, la religion majoritaire de l’Inde, dont le fer de lance était le mouvement des Tigres de libération de l'Eelam tamoul, communément appelés les Tigres tamouls.
Face à la machine de guerre de l’Etat srilankais, aux exactions et aux exécutions du parti adverse, les rebelles tamouls adoptent rapidement le modus operandi des attentats-suicides. Le premier date de 1987, un tamoul se fait sauter en introduisant un camion piégé dans un camp de l’armée srilankaise (40 morts), inspiré sans doute par les attaques terroristes des marines américains et des parachutistes français en octobre 1983 à Beyrouth (près de 300 morts). Ceux-ci visaient aussi bien les cibles militaires, que les bâtiments civils (banque centrale, centre des affaires, etc.) ou les transports publics, et même les édifices religieux (attaque en 1997 de l’un des plus importants temples bouddhistes du monde de la ville de Kandy, classée patrimoine de l’humanité). Au total, la guerre civile srilankaise a connu jusqu’à 239 attentats-suicides attribués aux Tigres tamouls, dont un tiers ont été commis par des femmes. C’est ce qui a valu au mouvement d'être classé par l’Union européenne et les Etats-Unis sur la liste des organisations terroristes.
Il y a aussi un autre point inquiétant qui nourrit le doute. Au Sri Lanka, il n'y a pas que des extrémistes islamistes et tamouls, il y a également des mouvements extrémistes cinghalais bouddhistes, qui n’ont rien à envier aux mouvements fascistes européens. Le plus important d’entre eux est le Bodu Bala Sena (BBS). Créé en 2012, ce mouvement nationaliste a la particularité d’être à la fois islamophobe et christianophobe, une première mondiale. Il perçoit les musulmans comme des « envahisseurs », à l’instar du terroriste australien auteur du massacre de Christchurch, et les chrétiens, comme une menace sérieuse pour le bouddhisme.
En janvier 2013, le BBS prend d’assaut l’hôtel Cinnamon Bey de Beruwala, situé à une quarantaine de kilomètres de Colombo, afin de protester contre l’installation d’un « Buddha Bar ». Hasard ou non, l’attaque d’hier a concerné le Cinnamon Grand de la capitale. Le mouvement qui a pignon sur rue a déjà plusieurs actes de violence à son actif, visant à la fois des mosquées et des églises, ainsi que des commerces appartenant à des Sri-Lankais de confessions musulmanes et chrétiennes, dont il réclame la fermeture pure et simple. Derniers en date, des actes de vandalisme contre deux églises en janvier et l’agression physique d’un pasteur en mars. Bodu Bala Sena est impliqué dans les émeutes antimusulmanes qui ont frappé le Sri Lanka en 2014 (4 morts, 80 blessés, 10 000 déplacés, de nombreux magasins saccagés), comme en 2018 (pillage, attaques, incendies, etc.).
Photo Chamila Karunarathne - AP |
Entre 1983 et 2002, le Sri Lanka a vécu l’horreur de la guerre et la terreur des escadrons de la mort. Ils étaient de tous bords. C’est ce qui a poussé de milliers de Sri-Lankais, notamment des femmes, à fuir leur pays. Une émigration monnayée par les Tigres tamouls, qui y trouvaient une source de financement. C’est à cette époque que le Liban, pas uniquement, connaitra l’afflux massif de travailleurs domestiques au point que rapidement le terme « sri-lankaise » désignait une « travailleuse domestique » indépendamment de sa nationalité. Ces femmes, ont rendu et continuent à rendre, dans des conditions parfois précaires, un service inestimable à ceux qui les emploient. Alors s’il y a un peuple qui devrait exprimer sa solidarité avec le peuple srilankais, c’est bien le peuple libanais.
Toujours est-il que les tensions inter-religieuses au Sri Lanka n’ont jamais vraiment cessé depuis cinquante ans, notamment entre les communautés bouddhiste et hindouiste. Les extrémismes des deux bords se sont déjà illustrés de la pire manière dans le passé. La piste islamiste interne (NTJ ou autres), avec ou sans une aide externe (Al-Qaerda ou Daech), est peut-être seule responsable des huit explosions terroristes de dimanche. Mais pour être juste, disons aussi, même si rien ne le prouve pour l’instant, que vu ce qui précède, on peut se demander sérieusement si cette tragédie pascale abjecte ne fait pas partie du conflit cingalais-bouddhiste vs tamoul-hindouiste. On peut même imaginer une convergence des intérêts entre tous les extrémistes -islamistes, tamouls et bouddhistes- ou entre certains d'entre eux. Une chose est sûre, le gouvernement sri-lankais est pris en flagrant délit d'incompétence. La revendication tardive de Daech tombe a pic, pour détourner l'attention des Sri Lankais de cette évidence.
Autre certitude, les attentats de Pâques constituent un prolongement de la guerre civile. Ils viseraient à rallumer le feu de la discorde en faisant des victimes directes parmi la communauté chrétienne sri-lankaise et les touristes étrangers, et indirectes via les représailles contre la communauté musulmane sri-lankaise. Déjà que la situation des communautés chrétiennes et musulmanes en Sri Lanka n'étaient pas brillantes avant les attaques terroristes, on peut s'attendre au pire maintenant. C'est ce qui ressort du dernier rapport d'Amnesty International sur le pays pour les années 2017-2018. « La police n’a pris aucune mesure pour répondre aux menaces et aux violences physiques persistantes dont étaient victimes des chrétiens et des musulmans de la part de membres de la population et de sympathisants d’un groupe politique bouddhiste cingalais extrémiste. » Enquête à suivre avec beaucoup d’intérêt et une grande inquiétude. En attendant, que ces morts innocents reposent en paix et que justice soit rendue.