dimanche 28 juin 2015

« Le Loup et le Chien », une fable exceptionnelle et intemporelle de Jean de La Fontaine


Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs et datant d'une époque très ancienne, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes, ayant existé ou existeront, ne saurait être que fortuite. « Le Loup et le Chien » -ma fable préférée, s’il faut en choisir une- est la cinquième fable du livre I du recueil des Fables de Jean de La Fontaine, édité pour la première fois en 1668. Bonne lecture et bonne réflexion dominicale.

Le loup et le chien, fable de Jean de La Fontaine (1621-1695)
Illustration de François Chauveau (1613-1676)

Un Loup n'avait que les os et la peau,
Tant les chiens faisaient bonne garde.
Ce Loup rencontre un Dogue aussi puissant que beau,
Gras, poli, qui s'était fourvoyé par mégarde.
L'attaquer, le mettre en quartiers,
Sire Loup l'eût fait volontiers ;
Mais il fallait livrer bataille,
Et le Mâtin était de taille
À se défendre hardiment.
Le Loup donc l'aborde humblement,
Entre en propos, et lui fait compliment
Sur son embonpoint, qu'il admire.
« Il ne tiendra qu'à vous beau sire,
D'être aussi gras que moi, lui repartit le Chien.
Quittez les bois, vous ferez bien :
Vos pareils y sont misérables,
Cancres, hères, et pauvres diables,
Dont la condition est de mourir de faim.
Car quoi ? rien d'assuré : point de franche lippée ;
Tout à la pointe de l'épée.
Suivez-moi : vous aurez un bien meilleur destin. »
Le Loup reprit : « Que me faudra-t-il faire ?
- Presque rien, dit le Chien, donner la chasse aux gens
Portants bâtons, et mendiants ;
Flatter ceux du logis, à son Maître complaire :
Moyennant quoi votre salaire
Sera force reliefs de toutes les façons :
Os de poulets, os de pigeons, sans parler de mainte caresse. »
Le Loup déjà se forge une félicité
Qui le fait pleurer de tendresse.
Chemin faisant, il vit le col du Chien pelé.
« Qu'est-ce là ? lui dit-il. - Rien. - Quoi ? rien ? - Peu de chose.
- Mais encore ? - Le collier dont je suis attaché
De ce que vous voyez est peut-être la cause.
- Attaché ? dit le Loup : vous ne courez donc pas
Où vous voulez ? - Pas toujours ; mais qu'importe ?
- Il importe si bien, que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte,
Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. »
Cela dit, maître Loup s'enfuit, et court encore.

vendredi 26 juin 2015

En finir avec le Guantanamo de Roumieh dans l’intérêt de tous les Libanais. Nouhad Machnouk ne pouvait pas ignorer le rapport accablant de l’ONU sur la torture au Liban (Art.295)


L’entrée du bâtiment B de la
prison de Roumieh où sont
détenus les prisonniers islamistes.
Photo de Haytham al-Moussawi
(al-Akhbar)
L’affaire de ‪‎Roumieh‬ a éclaté au grand jour avec la diffusion de vidéos qui montrent des membres des FSI infligeant des sévices à des prisonniers sans défense. Pour comprendre tout le contexte, il faut commencer par rappeler que les 300 islamistes‬ de Roumieh, sont impliqués dans des actes de ‪terrorisme‬ et avaient formé au fil du temps un « émirat islamique » dans la prison, une sorte de QG terroriste équipé par tous les moyens de communication avec l’extérieur. Toutes les données sont accablantes pour ces hommes et justifient selon certains, de fermer les yeux sur les actes de torture ignobles dont ils ont été victimes. Les suppliciés sont de confession sunnite. Ils sont arrêtés depuis des mois, voire des années, emprisonnées sans jugement. De l’avis général, la prison de Roumieh s’est transformée en une sorte de Guantanamo‬. La diffusion des vidéos avait pour objectif de ternir l’image d’un ministre sunnite compétent, Achraf Rifi, et de discréditer le service des renseignements des FSI, les bêtes noires du Hezbollah et d'Assad. Quoiqu’en disent ses défenseurs, le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk‬ ne pouvait pas ignorer ce qui se passait derrière les barreaux de Roumieh. Il y a près de neuf mois, le Comité contre la torture du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme lui a remis les résultats des investigations qu’il a menées dans le monde. Ce rapport de 526 pages, dont une partie est consacrée à la torture dans notre pays, est accablant pour le ‪‎Liban‬. Rien de nouveau dans l’ancienne « Suisse de l’Orient ». On sait que durant la Terreur du régime sécuritaire syro-libanais, la torture était monnaie courante contre les opposants à l’occupation syrienne du Liban. En tout cas, quand on lit certaines réactions émotives et impulsives comme celle de Nadim Koteich, où il recommande la torture des tortionnaires, comment peut-on s’étonner de la violence même des images qu’on a vues ?

lundi 22 juin 2015

Comme si le Liban était un paisible royaume laïc que Notre-Dame de Fatima est venue troubler (Art.294)


Entrée de la statue Notre-Dame de Fatima
au Parlement libanais le 16 juin 2015.
Photo : Bilal Jawich, Anadolu Agency
Qui a suivi les actualités libanaises ces derniers jours est aujourd’hui persuadé que le pays des 18 communautés est le dernier bastion de la laïcité sur Terre. A entendre certains et à lire d’autres, il est clair que le peuple libanais ignorait qu’il vivait dans le meilleur des mondes, jusqu’au débarquement de Notre-Dame de ‪‎Fatima‬ à l’aéroport de Beyrouth‬ et son entrée tonitruante au Parlement libanais. Le hasard des événements a fait que je me suis retrouvé au Liban‬ lors d’une autre visite historique de même nature, celle de la châsse de Sainte-Thérèse en 2002. Il serait fastidieux de relever toutes les manifestations religieuses intempestives dans la vie quotidienne des Libanais. L’essentiel c’est de comprendre que l’entrée de Sainte-Marie au Parlement mardi dernier, s’inscrit dans une certaine logique des choses. Notons dans ce sillage, que les grandes démocraties dans le monde, notamment américaines et européennes, autorisent de par leurs lois constitutionnelles ou par les usages, à invoquer Dieu dans les serments d’investiture, et à jurer parfois sur la Bible ou le Coran au sein même des institutions de l’Etat. Tout ce tapage autour de la visite-éclair de Notre-Dame de Fatima au Parlement libanais, m’a plutôt fait sourire. C’est digne d’un film d’Emir Kusturica ! Ce qui s’est passé le 16 juin est « un symptôme » et non « la maladie ». Pour sortir notre pays de sa religiosité excessive, qu’elle soit sincère ou tartuffienne, il faut s’attaquer aux causes profondes et non aux manifestations superficielles, aussi bien chez les communautés chrétiennes que dans les communautés musulmanes.

mercredi 17 juin 2015

L’envers du décor du mariage en grande pompe de la fille d’Issam Farès. « Un milliardaire, combien de boursiers ? » (Art.293)


C’est immuable, les frivolités des gens aisés passionnent les foules. Nous avons eu une nouvelle démonstration il y a trois jours. A ce qu’il parait, Noor Farès, une jeune joaillère libanaise, a dit « oui » à Alexandre Khawam, le vice-président d’une société anglaise de gestion d’actifs. L'union de ‪#‎NoorandAlex‬ aurait pu passer inaperçue si la mariée n’était autre que la fille du milliardaire libanais, Issam Farès, un homme d’affaires qui emploie plus de 70 000 personnes dans le monde, ancien vice-Premier ministre du ‪‎Liban‬ entre 2000 et 2005. La lecture en diagonale de la presse nationale libanaise et française, qui s’est mise à la mode people, nous informe que le mariage civil du jeune couple a eu lieu début mai en Angleterre et que le mariage religieux s’est déroulé ce weekend au sein de l’église Sainte-Catherine en Normandie. Des Rolls-Royce ont déposé les mariés sous d’immenses glycines blanches. La mairie de Hontfleur avait prévenu les habitants : « Ces adorables personnes sont, semble-t-il, importantes et connues dans le monde et célèbres dans les médias. Nous devons donc les protéger et leur permettre de se marier en toute tranquillité ». J’aime beaucoup ce « semble-t-il » et cette « tranquillité », pour le côté sarcastique qu’ils m’inspirent. Récit d'un weekend pas ordinaire en ‪‎France‬.


jeudi 11 juin 2015

Quand le présentateur Adel Karam se moque d'un Libanais qui passe son brevet à 63 ans pour faire rire


La vie est quand même fascinante. Elle pousse certains à grandir, s’élever et s’enrichir, et d’autres, à rapetisser, se rabaisser et s’appauvrir. Abdallah Taleb, le Libanais de Marjeyoun, qui a passé son brevet à l’âge de 63 ans, fait partie de la 1re catégorie, Adel Karam, le présentateur qui s’est permis de se moquer de lui avec ‘ta2elit dam’ et une lourdeur infantile indescriptible, sous l’applaudissement 'wou satlanett' des spectateurs du studio de la MTV, fait partie de la 2e. Son excuse bidon, le lendemain, n’y changera rien. Wlak, tout le concept de cette émission populiste à 5 piastres est à revoir. Ba2a ya 3édiil, rou7 tomm 7alak.

Les leaders chrétiens et le complexe de castration politique de Walid Joumblatt (Art.292)


Il est "baïdett elkebénn" pour certains, l’homme fort de la vie politique libanaise, "baïdett ghanam" pour d'autres, le mouton de Panurge qui suit les forces dominantes. Walid Joumblatt‬ a un contentieux politique avec les chrétiens du Liban‬, les maronites en particulier, que l’histoire ne parvient pas à régler, hélas. L'interview qu’il a accordée à al-Akhbar, publiée les 9 et 10 juin, le prouve magistralement. Le leader druze a une trouille bleue que l’élection d’un président fort à la tête de l’Etat libanais, Samir ‪‎Geagea‬, Michel Aoun‬, ou n’importe quelle personnalité chrétienne qui représente plus que son ombre -en dehors de sa marionnette, Henri Helou, bien entendu- ainsi qu’une nouvelle loi électorale moderne et l’acquisition de la nationalité libanaise par les descendants de Libanais, ne conduisent à sa « castration politique », en le ramenant à son poids réel sur l’échiquier libanais. D’où ce complexe de castration que j’évoque dans mon titre, la peur que W. Beik a de perdre ses attributs politiques. Et comme tout le monde sait, les complexes ont cette fâcheuse tendance à s’aggraver avec l’âge. Morceaux choisis.

dimanche 7 juin 2015

Samir Geagea et Michel Aoun, entre les youyous et les ouh: non mais, que demande le peuple de plus ? (Art.291)


Pour certains, l’union des deux hommes méritait des tzolghot retentissants. You you you you you ! Pour d’autres, du dédain et rien de plus. Ouhhhhhhhhh ! Une chose est sûre, le malentendu autour de la rencontre entre Samir ‪‎Geagea‬ et Michel Aoun‬ vient du fait que les Libanais lui ont accordé plus d’importance qu’elle ne méritait en réalité. Les contents et les mécontents ont commis trois erreurs d’appréciation dans leur jugement. Il faut savoir que les discussions entre les deux partis libanais se sont imposées dans un contexte de blocage inouï de la vie politique libanaise. Le contexte régional y était aussi pour beaucoup. Au moment où le Moyen-Orient est pleinement engagé dans une guerre de cent ans, entre les sunnites et les chiites, les leaders chrétiens ne pouvaient pas rester les bras croisés à regarder le Liban agoniser, sachant que le sort des communautés chrétiennes en Orient, doit rester étroitement lié à celui des communautés musulmanes et que les musulmans en Orient doivent rester conscients des menaces spécifiques qui pèsent sur leurs compatriotes chrétiens et qui sont de trois ordres, radicales, sournoises et subtiles. L’initiative des leaders chrétiens a été plutôt bien accueillie dans les rangs des sympathisants chrétiens des deux camps. Les réactions les plus hostiles contre ce dialogue sont venues de personnes qui ne sont pas sympathisants ni de l’un ni de l’autre parti, ainsi que des touyouss, les têtes de mules des deux camps. Et pourtant, si ces râleurs invétérés s’étaient donnés la peine de lire ne serait-ce que le préambule et la postface de la « Déclaration des intentions », ils auraient moins hué la rencontre historique du 2 juin.

© 2011-2020 Bakhos Baalbaki