samedi 27 septembre 2014

Quelle appellation faut-il choisir pour désigner l'organisation terroriste d'Abou Bakr el-Baghdadi : Etat islamique, Daech, EI, EIIL, ISIL ou ISIS ?


Les mots ont évidemment leur importance. Dans un article paru le 26 septembre, Lucien Jedwab, chef du service Correction du quotidien Le Monde précise : « Provisoirement, nous recommandons de mettre “‪‎Etat islamique” entre guillemets lors de la première mention dans l'article, si possible en précisant “l'organisation”. Ensuite, on s'évertuera à mettre le sigle EI ». Bon, chacun son choix. C’est le mien depuis le début : l’usage systématique des guillemets, ainsi que la désignation de la bande d'Abou Bakr el-Baghdadi par l’organisation. Qui est intéressé par cette question sémantique, peut lire l’échange que j’ai eu il y a une dizaine de jours à l’occasion de la publication de mon article sur la « 4e guerre du Golfe ». En voici un résumé.

Ce n’est pas seulement le mot « Etat » qui pose problème, mais c’est aussi la référence « islamique ». Après maintes réflexions, j’ai décidé contrairement à certains politiques et journalistes, de désigner « l’Etat islamique » par « Etat islamique ». Je trouve que l’usage systématique des acronymes Daech, ISIS ou ISIL, ne convient pas. Non seulement, que c’est sous l’appellation « Etat islamique » que cette organisation terroriste se fait connaitre, mais en plus, si on rentre dans le jeu de la légitimité du mot "Etat" et de la susceptibilité pour le mot "islamique", il va falloir s’astreindre à l’autocensure et changer pas mal d’appellations et de noms courants. Tenez, par exemple, aux yeux de certains « Abou Bakr el Baghdadi » porterait bien préjudice à Abou Bakr, le 1er calife, et à Bagdad, la prestigieuse capitale de l’Irak ; le « Hezbollah » porterait préjudice à « Allah » ; la « République islamique d’Iran » porterait préjudice à la religion islamique aussi ; les « Born Again Christians » porteraient préjudice au christianisme et même au Saint-Esprit ; « l’Eglise de scientologie » porterait préjudice à « l’Eglise catholique » ; les « témoins de Jéhovah » porteraient préjudice à « Jéhovah »; j’en passe et des meilleures. Voilà pourquoi j’ai décidé d’opter pour la dénomination originale, et de la cerner systématiquement par des guillemets, pour signifier que l’usage de l'appellation « Etat islamique » est doublement abusif. Wa ektada el tawdi7.

J’ai évidemment hésité entre les nombreuses options. Mon côté « scientifique » me faisait pencher dès le départ plutôt vers l’appellation originale, et que pour les réserves, il fallait la mentionner systématiquement cernée de guillemets. J’ai procédé ensuite par élimination. Je trouvais les acronymes occidentaux, enfantins, stérilisés, voire sympathiques (ISIS fait penser à la mythologique grecque !). « Daech » collait bien, le mot à sonorité arabe accroche. Cet usage vaut celui de tout nom propre. Personnellement, j’étais conforté dans le choix des guillemets, quand je me suis rendu compte que cette multiplication des acronymes -Daech et même Dache/Déche selon les prononciations des gens non arabophones, EI, EIIL, ISIL et même ISIS- crée une certaine confusion chez les gens. Le plus comique, et c’est arrivée avec d’autres personnes !, quand j’ai entendu ce mot la toute première fois, j’ai cru qu’il s’agissait d’une personnalité poussiéreuse sortie de je ne sais où ! Autre règle, que j’ai appliquée dans l’article 242, c’est l’usage fréquent du mot « organisation » pour désigner cet « Etat », et souligner son côté primitif.

Réf. 

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