Et l’on s’étonne encore que les choses ne changent pas vraiment au Liban.
Il parait qu'il y a deux jours, un juge libanais aurait eu le courage d’ordonner à
l’Electricité du Liban, de couper le courant électrique qui alimente les
domiciles et les bureaux de dizaines de personnalités libanaises, à
cause de leurs impayés, 600 000 $ au total. Inutile de préciser que ce
n'est qu'une goutte d'eau par rapport à la dette abyssale du pays du
Cèdre, qui s'élève à 67 milliards $. Toujours est-il qu'aujourd’hui,
toute la presse en parle avec une langue de bois digne de la classe
politique elle-même ! Une brève recherche m’a permis de constater que
l’info est rapportée par tout le monde mais que l’écrasante majorité des
médias libanais n’ont pas publié les noms des fautifs. L’anonymat et la
discrétion rendent bien des services. En tout cas, le quotidien Addiyar
fait exception. Dans cette black-list, on y trouve des hommes
politiques, des députés, des ex-députés, des ex-ministres et deux
cerises sur le gâteau, une star de la chanson et un toubib star. Je vous
propose ma sélection, classement crescendo :
- Mohsen Dalloul,
ex-député et ex-ministre, grande figure de la collaboration avec
l’occupant syrien, qui s’est engraissée pendant l’occupation syrienne du
Liban. Il doit seulement 5 300 $ à l’EDL, à qui il interdit
l’inspection de ses compteurs. Ah, ça c’est louche.
- Ghazi Zeatir,
ministre à plusieurs reprises, actuellement ministre des Travaux publics
et des Transports, député since 1996 (bloc Berri). Il doit 7 300 $ à
EDL.
- Mohammad Kabbani, député (Futur), since 1992 (avec un petit
trou entre 1996 et 2000). Il doit 10 000 $ à l’EDL. Avant que je
n’oublie, MK est président de la commission parlementaire des Travaux
publics, des Transports, de l’Energie et de l’Eau, since 2000. Il est
quand même favorable à la dénonciation des mouhmilinn, lui compris.
-
Abdel Latif el-Zein, député since 1962 (bloc Berri encore). Oui vous
avez bien lu, non je n’ai pas fait d’erreur de frappe, c’est bel et bien
since 1962 ! ALEZ doit à EDL, la modique somme de 14 000 $, ce qui
représente un peu plus que le salaire d’un mois de travail. Inutile de
s’étendre sur le dur labeur du député libanais ! Au passage, depuis
1962, le doyen des députés libanais a reçu 636 fiches de paie. Ça fait
rêver.
- Le chanteur Melhem Barakat, doit 18 000 $ à EDL. Tiens, je
suus curieux de savoir, combien de réveillons ou de fractions de
réveillons cela représente ?
- Sami el-Khatib, le célèbre Sami
el-Khatib lui-même. Pour info, c’est un ex-officier des Renseignements
de l’armée libanaise (suspendu de ses fonctions pendant un temps, pour
ingérence politique, restriction des libertés et gaspillage de l’argent
public), un ex-officier des Forces de dissuasion arabe (qowat elrade3
el3arabiya, smallah!), réfugié politique chez les Assad (jusqu’en 1982),
ex-commandant de la branche dissidente de l’armée libanaise à l’époque
du commandement de Michel Aoun (1989), ex-ministre de l’Intérieur et
ex-député du Parlement à l’époque de la Terreur syrienne au Liban
(1992-2004). Il doit 39 000 $ à EDL. Bon, faut pas faire tout un plat
BB, certains ont vraiment des fins de mois difficiles !
- On a aussi trois Khazen, dans les affaires comme on dit, dont un ex-député du Kesrouan. La famille doit 61 000 $ à EDL.
- La palme d’or de ce classement revient au docteur Faouzi Adaimi,
docteur ye3né médecin. Le président du Syndicat des hôpitaux privés du
Liban svp, et de l’hôpital Notre-Dame du Liban à Jounieh, doit à
l’Electricité du Liban, à titre personnel et pour son hôpital, la
coquète somme de 188 000 $, près du tiers des impayés. Sacré doc !
C’est sans doute le fait que son hôpital se situe à un jet de pierres
de la pollution de l’usine électrique de Zouk qui l’a décidé à vivre au
frais de la princesse, sur le plan électrique bien entendu. Décidément
au Kesrouan, certains vivent bien de la largesse de l’Etat libanais. A
moins de chercher l'explication dans un autre fait, la souveraineté
libanaise ne s’exerce pleinement que dans certaines zones du territoire
libanais justement, Kesrouan entre autres ! Pour rappel, puisqu'on est
dans l'électricité, « le taux de vol du courant électrique par région
(factures non payées et consommation non facturée) varie entre 12 et 69 %
selon les régions: Beyrouth 12,1% – Mont Liban Nord 40,1% - Békaa Sud
45,6% - Mont Liban Sud 49,6% - Liban Sud 56% - Liban Nord 60,7% - Békaa
Nord 67,2% - Békaa Centre 69,1%. » Cela va sans dire, dans cette étude,
la banlieue de Beyrouth est inclue dans la région du Mont-Liban. Extrait
de mon article 32, publié il y a 4 ans, jour pour jour, enfin presque !
Dernière précision, ces violations ne sont pas commises par des
personnalités politiques, mais tout simplement par les citoyens
libanais, qui n'ont pas tous des fins de mois difficile, loin de là. Wou
balad !