vendredi 10 mai 2019

Les protestations surréalistes de la population libanaise contre les lignes à haute tension et la réponse non moins surréaliste du gouvernement (Art.611)


« Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour bien des choses », et pourtant, « une seule est nécessaire ». C’est Jésus de Nazareth. Il était aux portes de Jérusalem. Il s’adressait à la patronne des lieux qui s’activait pour l’accueillir dignement, alors que sa sœur Marie buvait ses paroles sans se soucier des contraintes de l’hospitalité orientale.

2 000 ans plus tard, pas loin de la Ville sainte à Mansourieh, au pays du Cèdre, la population aussi s’active, s’agite et proteste, contre les lignes à haute tension. Et pourtant, l’essentiel est ailleurs. Ils respirent, boivent et mangent des molécules, des substances et des matières bien nuisibles pour la santé humaine, sans l’ombre d’un doute!, mais font une fixation sur les effets hypothétiques et très limités des lignes à haute tension sur leur santé, pourvu qu'on respecte les normes internationales en vigueur.

A Mansourieh, le gouvernement libanais également s’active, s’agite et utilise la force contre les protestataires. Et pourtant, l’essentiel là aussi est ailleurs. La consommation électrique au Liban bat des records (pas une habitation ou presque n’a pas la climatisation, même en montagne ! ; nous avons près de 1,5 million de réfugiés syriens dont une grande partie ne paie pas sa consommation), le vol du courant électrique au Liban bat des records (toutes les régions confondues, même dans les régions réputées de payer les factures, taxes et impôts ; ça peut atteindre 70% de l’électricité produite !), le gaspillage de l’argent public sur le secteur électrique bat des records (plus de 4,25 milliards $ jetés par les fenêtres et les poches d’intermédiaires turcs et libanais, à cause de la stupide idée des centrales flottantes). Et des tartuffes de gouvernants viennent faire croire à des candides de gouvernés que la boucle électrique Mansourieh fournira aux Libanais l’électricité publique 24h/24 sans qu’ils aient besoin de passer par les rapaces des générateurs privés. Mamma mia.

Boucle ou pas, lignes à haute tension ou pas, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans ce pays et dans l’esprit de certains de ses habitants et de ses dirigeants.

Qui se soucie de sa santé doit mettre toute son énergie pour lutter contre la pollution atmosphérique au Liban, surtout en dioxyde d’azote, ce serial killer silencieux, la barre rouge-orange-brune à l’horizon, visible pratiquement toute l’année!, produite par les moteurs, voitures, bus, camions, usines, centrales, feux, incinération sauvage de déchets, etc. J’en ai parlé en décembre à l’occasion de la publication d’une étude euroméditerranéenne. La quasi-totalité de la superficie du Liban, près de 90% des 10 452 km2, est polluée à un niveau maximal en NO2. C’est l’équivalent des régions parisienne et milanaise réunies, c’est plus qu’une grande métropole comme Le Caire. La pollution dans le monde c’est un décès toutes les 5 secondes. C’est le cas du Liban, un des pays les plus pollués de la planète. J’avais énuméré une longue liste d’idées de ce qu’il faut faire ou pas faire dans ce domaine. Trois points incontournables : ne pas rajouter d’autres sources de pollution à celles existantes (comme la stupide idée des incinérateurs des ordures ménagères pour produire de l’électricité !), réduire la consommation en tout genre (faut pas rêver, sans cela, on n’y arrivera jamais !), planter des arbres dans toutes les rues et routes libanaises (et des grands arbres svp, cèdres, oliviers, noyers, ficus, platanes, peupliers, etc. ; pas de petits arbustes et plantes ; et surtout, ne pas les tailler pour en faire de snobs et ridicules boules décoratives !).

J’ai consacré plusieurs articles au problème électrique au Liban. L’électricité au Liban coûte près de 5 milliards de dollars par an (énergie de l'Etat libanais via EDL, des centrales flottantes en location et des générateurs privés). Les plans des gouvernements libanais se suivent et se ressemblent. Le premier plan sérieux date de 2010, près de 20 ans après la fin de la guerre civile, soit dit au passage. On nous a promis le courant 24h/24 pour 2014. Et pourtant, ce n’est pas le cas en 2019 et ce n’est pas à l’ordre du jour à moyen terme. Ni à long terme d’ailleurs, hélas ! Et vous savez pourquoi ? C’est parce qu’on ne s’attaque pas aux sources du problème. Bienvenue au Liban, pays des palabres et des solutions à la mords-moi-le-nœud. Trois points incontournables là aussi : réduire la consommation électrique (sans cela, on n’y arrivera jamais, au grand jamais !), lutter contre le vol de courant (au moins, comme on a lutté contre les protestataires pacifiques de Mansourieh, en mobilisant les forces de l’ordre, l’armée et les FSI), encourager les énergies renouvelables (surtout solaires). Tenez, transformer les façades de toutes les tours de Beyrouth et des quatre coins du Liban, en centrales solaires. Au moins, on rendra l’hideux utile !

Quant au curé gonflé qui a osé utiliser une croix de 2 mètres de haut pour empêcher les travaux sur un pylône électrique à Mansourieh, il faut le mettre au pilori et le condamner à sillonner le Liban pour sensibiliser ses collègues d'hommes religieux musulmans et chrétiens, afin que la malédiction des voleurs du courant électrique au Liban figure dans les sermons du vendredi et du dimanche. Ça leur évitera de parler politique et d'être utiles, là aussi.


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