vendredi 17 mai 2019

Mort d'Ieoh Ming Pei, l'architecte de la Pyramide du Louvre, l'oeuvre narcissique de François Mitterrand (Art.615)


Un autre homme centenaire vient de nous quitter, l'architecte sino-américain Ieoh Ming Pei, auteur de la très controversée Pyramide du Louvre. Ne me demandez pas de lui rendre un hommage, j’aurai du mal.

Photo Benh Lieu Song, Wikimedia commons

L’appréciation d’une œuvre artistique est très personnelle. Certains aiment. D’autres pas. Personnellement, je trouve la construction parisienne pas laide bien sûr, mais plutôt déplacée. Elle a dénaturé la majestueuse cour Napoléon du palais du Louvre à Paris. J’ai beau la voir et la revoir, je n’ai qu’une envie à chaque fois, la démonter. Trois raisons à cela.

. Primo, cette pyramide ne doit son existence qu’à la volonté narcissique de l’ex-président de la République française, François Mitterrand, au début de son long règne (1981-1995), de laisser son nom un peu partout à Paris. Au passage, on reproche à Emmanuel Macron, à juste raison, de vouloir reconstruire Notre-Dame de Paris trop vite sans suivre les procédures habituelles pour les monuments historiques, mais on oublie par exemple que la Pyramide du Louvre a été décidée par François Mitterrand seul, sans recourir à la procédure du concours d'architecture ou de l'appel d'offre.
. Secundo, l’architecte n’est pas allé loin pour trouver son idée, c’était à deux pas, dans la « rue des Pyramides », et à la première station de métro, « Pyramides », inaugurée en 1916. Le père de Balzac a même évoqué l’idée d’une pyramide dans la cour en 1806, peu de temps après la campagne d’Egypte menée par le général Bonaparte, autoproclamé Empereur des Français entre temps.
. Tertio, la pyramide du Louvre était totalement inutile, puisqu’on aurait pu réorganiser les entrées du Louvre, discrètement, sans défigurer le site extérieur par ce monstre de verre, d’acier et d’aluminium. On n’a plus une vue globale originelle ni de la façade principale donnant sur la cour Napoléon quand on se trouve dos aux Tuileries, ni de la perspective Cour Napoléon-Carrousel-Tuileries, quand on est dos au Louvre.

Selon l’historien de l’art Pierre Vaisse, c’est le « degré zéro de l’architecture ». On a même parlé d’une œuvre internationale sans caractère, d’une attraction digne de Disney et d’une maison des morts. Les protestations n’ont abouti à rien. La pyramide du Louvre et ses pyramidions resteront pour un moment. Il faut se faire une raison, l’art contemporain est aujourd’hui partout. Il touche tous les domaines, l’architecture et la peinture bien sûr, comme l’art funéraire, on l’a vu avant-hier au Liban. Je comprends qu’on puisse apprécier. Ce n’est pas mon cas en général et je ne suis pas le seul. Le cercueil de Rudy Rahmé, même s’il est en bois d’olivier de la Vallée de la Qadisha, reste laid, d’autant plus que le sculpteur libanais l’a créé pour le grand patriarche maronite Nasrallah Sfeir. La pyramide d’Ieoh Ming Pei, même si elle est en verre le plus transparent du monde, reste déplacée, surtout que l’architecte sino-américain l’a dessiné pour le prestigieux site du Louvre. Le lapin de Jeff Koons, même s’il a été vendu aux enchères chez Christie’s à plus de 91 millions de dollars, reste stupide, notamment parce que le plasticien américain est un artiste « kitsch néo-pop », appellation officielle hein !, à l’imagination sans talent et sans inspiration, condamné à maintes reprises pour plagiat.

L’appréciation des œuvres artistiques est certes subjective. Mais on peut l’aborder d’une manière scientifique. S’il y a bien une chose détestable dans l’art contemporain, c’est le mélange des genres. Exemple typique, la pyramide du Louvre. Ailleurs, elle pourrait très bien s’intégrer dans le paysage. Pas au palais du Louvre, cette merveille du Moyen-Âge et de la Renaissance. Peut-on imaginer la Tour Eiffel asymétrique et avec du béton? Non. Le mélange ancien/moderne au Louvre, c’est comme le sucré/salé de la pizza hawaïenne à l’ananas, infect. Bon, il faut aimer. Autre exemple, le gratte-ciel de Sama Beirut ou la tour imaginée par Bernard Khoury pour l’ex-bâtiment de la bière Laziza, tous deux placés au beau milieu des petites rues et du vieux Beyrouth, abjecte. Au fait, même à Dbaïyé, les deux bâtiments resteront des œuvres moches. Dans d’autres cas, comme le Cercueil de Rudy, appelons-le comme ça, ce qui dérange le plus c’est la recherche de la complexité au détriment de la simplicité. Résultat, de la laideur. Pour Jeff Koons & Co, la raison du rejet est simple, on a affaire à des imposteurs de l’art, sans véritable talent en dehors du réseau et de la com.

Difficile de terminer cette note sans parler de la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Vu l’importance du site, il est clair que Macron est attendu au tournant. Toute idée d’introduire de l’art contemporain sur ce joyau architectural de l’art médiéval sera farouchement combattu, par moi en premier. Cela ne veut pas dire qu’il faut remettre forcément des poutres en chêne et reconstruire ce qui a été détruit exactement à l’identique. A la dernière grande restauration de l’édifice, au 19e siècle, Viollet-le-Duc a modifié profondément la façade, les deux côtés et le toit. Il a même rajouté une flèche inspirée de celle d'origine qu'on avait démontée au 18e siècle à cause de sa vétusté. Peut-on s’en douter aujourd’hui ? Impossible. Qui peut s’en douter ? Personne. Il est là le génie de cet architecte français. Restaurer, construire et reconstruire en respectant la cohérence de l’ensemble en général et l’harmonie de l’édifice en particulier. On retrouve plusieurs styles architecturaux dans Notre-Dame de Paris. Et pourtant, on a l'impression qu'il n'y en a qu'un, le gothique, un art d’origine française.



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