lundi 2 septembre 2019

L'attaque menée par le Hezbollah à la frontière entre le Liban et Israël et la riposte de Tsahal (Art.640)


🇱🇧 Balivernes et palabres à part, la sortie dominicale du Hezbollah en Israël et la réunion de Baabda de ce début de semaine nous renvoient à trois certitudes. 🎭

1. Les normes de succès et de victoire du Hezbollah sont toujours fantaisistes et relèvent encore de la mythologie. Selon les sources israéliennes, le Hezb a détruit une « ambulance militaire » en territoire israélien, grâce à un « missile anti-char » tiré dimanche à partir du territoire libanais, sans faire de blessés. Ya di3ann el sarroukh ! Selon la chaine TV du Hezb, al-Manar, info reprise sans brancher par MTV & Co, le véhicule détruit est ni plus ni moins qu’un « char » et il y aurait « des morts et des blessés ». Mais encore, d’après l’aveu de la milice chiite, l’opération n'est pas vraiment liée au crash/explosion de deux drones israéliens dans la Banlieue sud de Beyrouth (25 août), elle constitue plutôt une réponse à l'attaque israélienne menée la veille en Syrie svp, où le Hezb avait perdu deux de ses miliciens! L'opération porte d'ailleurs le nom de ces derniers. Alors question, pourquoi la riposte n’a pas eu lieu à partir du territoire syrien? Eh bien, parce que le Lapin du Golan tient bien son terrier voyons, contrairement aux lapins du pays du Cèdre! 😊

En tout cas, le Hezb crie victoire et s’autofélicite. Et pourtant, selon l’armée libanaise, à la suite de ce tir de missile, l’armée israélienne a arrosé le Sud-Liban par au moins une quarantaine de « bombes incendiaires et à fragmentation », provoquant de nombreux incendies dans une des régions les plus préservées et les plus belles du Liban (photo ci-jointe, de Jalaa Marey, AFP). Israël parle même d’une centaine d’obus et de tirs aériens. Qu’est-ce le Hezb a pu faire pour empêcher le déchainement militaire israélien hier? Rien. Idem dans l’affaire des tunnels transfrontaliers (janvier 2019). Le Hezb a mis des années pour les construire, Israël les a détruits en quelques secondes, sans que le Hezb ne puisse s’y opposer. Idem concernant les dizaines de frappes aériennes sur des cibles chiites libanaises et iraniennes en Syrie, menées avec la plus grande liberté d’action depuis huit ans (2011-2019).

Par la capacité de sa réponse, non seulement Israël agit comme et quand bon lui semble au Moyen-Orient, mais en plus, ses avions et ses satellites survolent la Banlieue-Sud, le fief du Hezb, comme et quand bon lui semble. Depuis 2006, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, est condamné à rester dans l'ombre et aux vidéoconférences de presse préenregistrées. Pas ses ennemis, le PM israélien Benjamin Netanyahou et son adversaire, Benny Gantz, deux fanatiques qui répètent sans cesse vouloir « renvoyer le Liban à l’Age de pierre ».

A ce propos, la guerre de Juillet 2006 a coûté au Liban près de 1 500 morts et une bonne dizaine de milliards de dollars de dégâts et de pertes économiques, soit l’équivalent de près de 50 % de notre PIB de l’époque (c'est donc une grande part de notre dette publique abyssale qui tourne aujourd'hui autour de 85 milliards $ ; notez au passage que le budget de l'Etat libanais pour 2019 comporte encore, 13 ans après, une ligne financière qui lui est consacrée, 20 millions $ à verser pour « compléter le paiement des indemnités de l'agression de juillet » !). Pour Israël le prix à payer était de 160 morts et 4 % du PIB. Et pourtant, pour le Hezb il s'agissait d'une « victoire divine », cherchez l’erreur !

2. La tragicomédie qui se déroule au Sud-Liban actuellement souligne d’une part, l’échec de cette politique de l’autruche à l’égard du Hezbollah adoptée par une frange des leaders libanais dont le Premier ministre Saad Hariri et le chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt ; et d’autre part, le fiasco de cette politique de zèle à l’égard du Hezbollah adoptée par une frange des leaders libanais dont le Président de la République, Michel Aoun, et le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil.

Hier, aujourd’hui et demain, la milice chiite libanaise constitue un Etat dans l’Etat, une entité politico-milicienne qui évolue indépendamment et parallèlement à nos forces armées et aux autorités libanaises. Comme l’ont avoué les leaders du Hezb à de multiples reprises, Hassan Nasrallah et Naïm Qassem, pour les questions stratégiques, seul le Guide suprême de la République islamique d’Iran, wali el-fakih, Ali Khamenei, est en mesure de trancher. C'est cette vérité qu'une écrasante majorité de leaders libanais s'obstine à ne pas voir.

3. La « guerre des trois » n’aura pas lieu car les trois protagonistes, Iran-Hezbollah-Israël, n’en veulent pas en ce moment. Leurs intérêts sont ailleurs. Le survol du territoire libanais par des drones israéliens est une grave atteinte au droit international. Mais enfin, du droit international, Israël n’en a cure! Le tir de missile par le Hezbollah est une atteinte flagrante à la résolution 1701. Mais enfin, des résolutions du Conseil de sécurité, le Hezb n’en a cure! Bien qu’ils soient officiellement ennemis, la milice chiite et l’Etat hébreux, ensemble et en chœur, ne respectent ni le droit international ni les résolutions de l’ONU ni la souveraineté du pays du Cèdre. La synchronisation des actes entre le Hezb et Tsahal est édifiante ! Les deux agissent comme si l’Etat libanais n’existe pas. Ils ont tous deux intérêt que cela se perpétue ad vitam aeternam. Telle est l’ironie de l’histoire.

*

Parlons peu, parlons bien. La certitude des certitudes ce matin est claire, les ennemis jurés au Moyen-Orient, le Hezbollah, la Syrie, l'Iran et Israël, sont des alliés de facto. A vrai dire, on ne peut pas leur en vouloir. Comment peut-il en être autrement quand les principaux concernés par la souveraineté libanaise, les valeureux dirigeants du pays du Cèdre, Aoun-Berri-Hariri bien sûr, mais aussi l'ensemble des ministres et des députés de la nation, sont des adeptes de la politique de l’autruche et des palabres? Khédo 3a 2art 7aké! Prenez Paula Yacoubian par exemple, ce matin, elle est très préoccupée par la chute du pont métallique à Beyrouth et croit qu'il est facultatif de commenter l'actualité nationale au-delà du quartier de Mar Mikhael. Yi, leich, kheir, chou sarr? Enfin, à chacun son excuse pour éviter de parler de l'anomalie que constitue la situation du Hezbollah au Liban!

Le Liban brûle et tout un beau monde sur son 31 se réunit à Baabda ce lundi pour soi-disant relancer l’économie du pays ! Au début de la réunion le chef de l'État, Michel Aoun, a tenu a dit texto : « Vous connaissez tous la situation économique et financière que nous vivons et face à laquelle les Libanais et la communauté internationale attendent des solutions efficaces afin de stabiliser la situation et d'initier la croissance dans le but d'éviter le pire. » Comme si de rien n'était, on croit rêver! Ironie du sort, surréalisme, commedia dell’arte ou tragicomédie, nous avons l'embarras du choix les amis. Sauf leur respect, nous sommes nombreux à décliner la mascarade de Baabda. Nul besoin de gaspiller l'argent public davantage sur des réunions, des politiques, des experts, des consultants, des conseillers et des balivernes. Soyons nombreux à envoyer ce conseil gratis à tout ce beau monde réuni à Baabda : « Comme vous la dit Gibran Khalil Gibran dans le passé, vous avez votre Liban et nous avons notre Liban. Vous pouvez tout privatiser, la terre, la mer et l'air, mais pas la souveraineté. Tant que vous continuerez à le faire, l'économie libanaise restera archaïque et votre République ne sera qu'une ferme qui n'aura la confiance de personne, ni des Libanais ni du reste du monde. » 🤫


© 2011-2020 Bakhos Baalbaki