jeudi 21 mai 2020

Un imposteur nommé Walid Joumblatt : « L'Occident ne peut que revenir à ses origines coloniales » (Art.788)


Deux tweets le même jour, l'un en français, l'autre en arabe, c'est que le beik veut faire passer un message important. Patience, j'y reviendrai, commençons par le personnage. Walid Joumblatt a réussi à tromper son monde. Hariri, père et fils, malgré les couacs. Berri, en temps de paix et de guerre, à part quelques escarmouches. Geagea et Gemayel, récemment mais il n’y avait rien de durable. Aoun et Bassil, ponctuellement. Avec Nasrallah le rapport de force est inversé, c'est la carotte et le bâton, très efficace. Le chef druze est insaisissable. Comme un poisson, vous avez l’impression de l’attraper, et hop, il vous file entre les mains.

A l’étranger, il a séduit beaucoup de monde aussi, des néo-orientalistes. Pas spécialement de son club, l’Internationale socialiste. Il y a eu bien sûr les deux François et présidents de la République française, Mitterrand et Hollande. Ce dernier l’a reçu un jour de juillet 2015, pour faire la connaissance de l’héritier du trône de Moukhtara svp, Teymour. Oh, à force d’être invité à Paris, le beik connait l’Elysée comme sa poche. Dieu merci, Macron n’est pas tombé dans le piège ! Dans le filet, on y trouve même Marion, la benjamine des Le Pen, une dynastie de l’extrême droite française, qui a rendu visite au beik mais pas au hakim, en octobre 2019, soit dit au passage.

Il faut dire que le chef du Parti socialiste progressiste libanais a quelque chose de séduisant. Pas au niveau politique voyons ! Ce seigneur féodal, affairiste avéré, est aussi socialiste que je suis bolsonariste. Pas au niveau des principes non plus. Le fils de Kamal a commencé sa carrière en 1977 en s’alliant avec l’assassin de son père, Hafèz el-Assad, pour combattre la « droite chrétienne ». Une vassalité poursuivie avec le fils, le tyran de Damas, Bachar el-Assad, de 2000 jusqu’en 2005. Oh, la rupture n’a pas duré longtemps. En 2010, il était de nouveau à Damas. Et pas qu’une fois, mais plusieurs fois, même après le déclenchement de la révolte syrienne. Il aidera le Hezb à virer Saad Hariri en 2011, comme le souhaitait l’axe Téhéran-Damas. La réconciliation avec la Syrie, a duré un temps. Belote et rebelote. Vous avez déjà le vertige ? Normal, « la girouette » est le surnom de Walid beik.

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Ce qui séduit chez Walid Joumblatt, c’est plutôt son originalité et sa culture. Sauf que d’après l’écrivaine Françoise Sagan « la culture, c'est comme la confiture, moins on en a, plus on l'étale ». Ce n’est pas que le beik n’en ait pas, mais il en fait mauvais usage. La preuve, lundi.

A peine réveillé, il balance deux tweets sur la pandémie de Covid-19. L’un en français et l’autre en arabe. Ils sont censés dire à peu près la même chose, sauf qu’il y a une grande nuance entre les deux.
- A son public francophone, Walid Joumblatt dit : « L’histoire se répète dans les moments de grandes crises. Trump avant le coronavirus s’était lancé dans une guerre commerciale contre la Chine. Aujourd’hui c’est l’accusation de la Chine d’avoir provoquer le virus. Sommes-nous devant une nouvelle guerre d’opium? »
- A son public arabophone, il avait ajouté un détail : « L'Occident ne peut que revenir à ses origines coloniales. Aujourd'hui, nous assistons à une guerre froide à haut risque de la part de l'Occident qui exige de la Chine une indemnisation colossale sous prétexte qu'elle est responsable de la propagation de la pandémie de Coronavirus. L'Occident ne veut la Chine qu’un marché pour lui. Souvenez-vous des guerres de l'opium au XIXe siècle et l'occupation de la Chine afin de commercialiser l'opium. »

Vous avez noté la nuance et le détail entre l’arabe et le français ? J’y reviendrai plus loin. La guerre de l’opium désigne un conflit commercial survenu de 1839 à 1842 entre le Royaume-Uni, qui avait le monopole de la vente de l’opium dans l’Empire du Milieu (depuis 1773 déjà !), et la dynastie Qing qui régna sur la Chine de 1683 à 1912, qui s’y opposait. Elle a connu un deuxième round (1856-1860), au cours duquel la France et les Etats-Unis sont venus prêter main-forte au Royaume-Uni. Les deux guerres se sont soldées par la défaite de la Chine. Qu'en est-il aujourd'hui ? Eh bien disons que 170 ans plus tard, c’est exactement l’inverse qui se produit. C’est la Chine qui exerce une hégémonie économique sur le monde. La pandémie de Coronavirus a montré l’effroyable dépendance de ce dernier à l'égard de ce géant d'Asie. Il n’y a qu’à voir les bilans commerciaux. Le déficit commercial des Etats-Unis face à la Chine n’a cessé de grossir au fil du temps. Il est passé de 200 milliards $ en 2005 à 419 milliards $ en 2018. C’est la raison de la guerre commerciale déclenchée par Donald Trump, à juste titre. Avec l’Union européenne, même topo, plus de 200 milliards $/an de déficit. Ainsi, la réflexion de Walid Joumblatt est le moins qu’on puisse dire à côté de la plaque.

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Mais le plus grave ce sont les propos diffamatoires de Walid Joumblatt à l’égard des pays occidentaux. « L'Occident ne peut que revenir à ses origines coloniales. » Oh le chef du PS est un habitué des réflexions méprisantes, comme avec la communauté maronite du Liban en 2008 par exemple, qui a été qualifiée de « mauvaise graine » à huis clos. Le beik commet la stupide erreur de réduire la glorieuse histoire de l’Occident à la parenthèse coloniale. Son mépris ne permet pas d’expliquer pourquoi tant d’ex-colonisés ne pensent qu’à immigrer chez leur ex-colonisateurs, et pas en Chine, dans les pays arabes ou en Afrique. Il prouve qu’au fond, l’âge ne lui donne pas de la sagesse et n’atténue pas sa rancune de jeunesse. N’en déplaise au beik, l’Occident reste un havre de paix, de sécurité, de prospérité, de démocratie, d'égalité, de fraternité, et surtout, de liberté. Il ne l’a pas toujours été. Mais aujourd’hui, il fait si bon d’y vivre.

La réflexion de Walid Joumblatt est abjecte pour trois raisons.

. Primo, à cause de son timing. Au moment où le gouvernement libanais cherche désespérément à obtenir le soutien financier des pays occidentaux, une douzaine de milliards $ quand même, pour sauver le Liban de l’effondrement général dû à l'incompétence et la corruption de sa classe politique, Walid Joumblatt en tête, le beik a raté une bonne occasion de la fermer.

. Secundo, à cause de la charge haineuse qu'elle contient. D'après le beik, « l'Occident ne peut que revenir » à cela, c'est inéluctable, il est donc condamné à être « colonial » ad vitam aeternam. Les naïfs occidentaux sauront désormais à qui ils ont affaire, un hypocrite qui fait semblant d'être ouvert à l'Occident.

. Tertio, à cause du positionnement politique qu'elle reflète. Libre au leader socialiste libanais de défendre le Parti communiste chinois, mais il ne peut pas nier à moins de jouer à l’autruche, qu’une écrasante majorité des pays du monde soutient l’initiative australo-européenne pour mener une « enquête indépendante » sur la gestion de l'épidémie par l’OMS, et indirectement par la Chine.

Et pour cause, le régime totalitaire en Chine a trompé le monde sur l’ampleur et la dangerosité de la nouvelle maladie. Même l’Iran l’a reconnu ! Par son incompétence il a transformé l’épidémie en une pandémie aux conséquences désastreuses sur les plans humains et économiques, et dont on n’a pas fini d’en payer le prix. Il est donc normal de lui demander des comptes. Si le beik a eu la chance d’échapper au questionnement et au jugement en 43 ans d’une carrière milicienne et politique truffée de fautes et de trahisons, l’imposteur doit comprendre que ce n’est pas la règle en Occident 🤫


© 2011-2020 Bakhos Baalbaki