La page et le site « This is Lebanon* » (voir PS), ont été créés il y a 3 ans. Ils sont consacrés aux abus dont sont victimes les travailleurs étrangers au Liban, notamment les domestiques. Dieu sait à quel point on peut en baver dans notre pays, que l’on soit étranger, autochtone libanais, oiseau migrateur, animal sauvage, chien errant, chat de gouttière, arbre de trottoir, pierre de taille ou même paysage reculé.
Selon le poste datant du 30 mai, une dénommée Maria Luz Villaneuva, ressortissante des Philippines, ayant servi au Liban pendant 14 ans, dont une partie chez le couple Sabah Joumblatt et Michèle Sabbagha Joumblatt, aurait été battue vers la fin de l’année 2019 par ses employeurs, avant d’être jetée en prison plusieurs mois et renvoyée dans son pays en février 2020, sans un sou en poche.
Selon la victime qui apparait dans une vidéo qui aurait été enregistrée aux Philippines, les Joumblatt lui devaient 25 000 $ d’arriérés de salaire, alors qu’ils détiendraient des résidences à Beyrouth (Achrafieh, Koraïtim, Mar Elias), Baabdat, Saïda et Jounieh (un immeuble de 7 étages). Pour ne pas la payer, ils l’auraient accusé du vol d'un, puis de deux et même de trois manteaux luxueux, à 7 000 $ la pièce, lors d’un déménagement et l'auraient menacé de la jeter en prison. La victime aurait tenté de se jeter du balcon de l'appart, des travailleurs syriens l'auraient retenue. Lui, serait un rentier sans emploi, présenté comme un cousin de Walid Joumblatt, chef du Parti socialiste libanais. Elle, avocate, travaillant d’après la victime, pour le gouvernement libanais et Blom Bank.
Soyons clairs, je ne suis pas en mesure de vérifier la véracité de ce témoignage. Mais si l’histoire est vraie, elle est ignoble, elle fait froid dans le dos. Si l'histoire est fausse, la démarche est diffamatoire et infâme. Dans tous les cas de figure, le ministère public devrait se saisir de l'affaire afin de rendre la justice, personne ne devant être au-dessus de la loi au Liban. Il faudrait alors rendre à la victime, l'employée philippine ou le couple d'employeurs libanais, ses droits et sa dignité.
En attendant, une chose est sûre et certaine, cette énième histoire nous rappelle encore une fois que la législation libanaise, et même moyen-orientale arabe, concernant les travailleurs domestiques étrangers au Liban, mais aussi dans les pays du Golfe, est complètement archaïque. De l'aberrant principe du parrainage (كفالة pour faire venir une employée de maison de l'étranger) au fonctionnement des agences de recrutement chargées de l'offre et de la demande (les frais de dossier engagés ; le fait que n'étant pas libres de changer d'employeurs, les employées se retrouvent de facto prisonnières de ces derniers), en passant par les innombrables pratiques abusives (les conditions de logement ; les horaires de travail ; les congés et les vacances ; les contrôles administratifs ; etc.). De ce fait, cette législation doit être revue et corrigée en profondeur. Non seulement elle fait de nombreuses victimes parmi cette population vulnérable, comme en témoignent les nombreux faits divers rapportés régulièrement par les médias libanais, mais elle nuit gravement à la réputation du Liban et à l’honneur des honnêtes citoyens du pays du Cèdre.
L’histoire de Maria Luz Villaneuva a été partagée plus de 1 100 fois en moins de 48 heures, c'est pour dire que le narcissique chef du gouvernement libanais Hassann Diab devrait quitter son beau miroir un moment et se résigner à ne pas se teinter les cheveux la semaine prochaine, afin de prendre tout son temps pour se pencher d'urgence sur ce chantier législatif. Et avant que je n'oublie, la prochaine fois que sa femme implore les Libanais du haut sa tour d'ivoire du Grand Sérail d'accepter les petits boulots, de femmes de ménage et de domestiques, il faudra s'assurer auparavant que les gens aient des conditions de travail dignes et qu'ils soient payés à temps !
PS : Cela étant dit, la page « This is Lebanon » devrait envisager de changer de titre au plus vite, si ses auteurs veulent être pris plus au sérieux et ratisser large notamment au sein de la population libanaise, afin d'espérer changer les lois en vigueur et améliorer la protection des travailleurs domestiques étrangers au Liban. La bonne cause qu’elle défend, à laquelle nombreux Libanais adhèrent bien entendu, ne pourrait justifier ce titre clairement diffamatoire pour le pays du Cèdre et tous ses habitants. A moins que ça ne soit l'objectif ! C’est comme si on réduisait les Etats-Unis à l’affaire George Floyd et aux bavures policières raciales. Cela fait partie de l’Amérique, mais ce n’est pas l’Amérique. Les Etats-Unis resteront un grand pays, malgré leurs défauts. Idem pour le Liban, les abus font partie du Liban, mais ce n'est pas le Liban, nuance. Toute généralisation est par essence injuste, injustifié et stupide. « C’est cela aussi le Liban » conviendrait mieux.