mercredi 3 juin 2020

Après maintes réflexions, j’ai décidé d'installer l'application StopCovid, pour aider à briser les chaines de transmission du SARS-CoV-2 en France. Voici mes raisons, une quinzaine (Art.792)


#StopCovid France est disponible depuis mardi sur Google Play et Apple Store. L’application a fait couler beaucoup d’encre. Après maintes réflexions, j’ai décidé de l’installer. Voici mes raisons, une quinzaine.

1. J’ai confiance dans l’environnement politique qui encadre l’application, France-Union européenne, bastion de la sauvegarde des droits de l'homme, des libertés fondamentales et des données personnelles. Je ne serais pas aussi enthousiaste dans le cas de la Chine, Russie, Hongrie, Turquie, Iran, Israël, Zimbabwe, Brésil ou Liban.

2. Utiliser les progrès technologiques pour aller faire une escapade sur Mars en 2049 c’est bien. C’est encore mieux si on peut en tirer profit pour mieux lutter contre une pandémie sur Terre en 2020. Le traçage numérique des contacts est impressionnant. Il est plus rapide et plus exhaustif, il englobe même les contacts inconnus. Il a ses limites, des voisins séparés par une cloison ou deux conducteurs pris dans un embouteillage seront alertées, pour rien. Est-ce une raison suffisante pour y renoncer ? Non.

3. Son utilité est certaine, permettre de prévenir en cas de contamination par le SARS-CoV-2, les personnes qu'on a croisées les deux semaines précédentes -plus de 15 minutes à moins de 1 m- afin qu’elles puissent prendre leurs précautions pour se tester et prendre les dispositions nécessaires pour mieux protéger les personnes à risque qui les entourent.

4. L’application n’utilise pas le géo-positionnement par satellite (Galileo/UE ou GPS/USA), mais le Bluetouth, technologie d’échange entre deux téléphones se trouvant à proximité. En d’autres termes, on ne peut pas savoir où l’on a été, mais qui on a croisé.

5. Les données des personnes croisées sont codées sous forme de pseudo-identifiants, elles sont stockées sur les smartphones et effacées au bout de 14 jours. Cet historique des contacts anonymes n’est transmis au serveur central du ministère français de la Santé que si on est contaminé, et seulement si on décide de le faire savoir anonymement. Les données du serveur contiennent les ID des personnes testées positives et leurs contacts sur 14 jours. Elles sont effacées au bout de deux semaines. Le fonctionnement de StopCovid est dit centralisé. Les applications des utilisateurs interrogeront le serveur pour savoir si elles ont été à proximité d’une personne testée positive. Si c’est le cas, les personnes concernées recevront une notification pour les informer qu’elles ont été exposées à un risque de contamination et qu’il conviendrait de contacter leurs médecins traitants. Ce modèle de traçage centralisé a été adopté par la France, le Royaume Uni et l'Australie.

6. Des modèles décentralisés ont été choisis par l’Allemagne, la Suisse et l’Autriche, dont le fonctionnement dépend d’Apple et de Google, deux entreprises américaines privées. Ne sont transmis au serveur central que les ID des personnes infectées. Les applications des utilisateurs téléchargent cette base de données et vérifient si parmi les contacts stockés sur les smartphones il y a des personnes testées positives. Si c’est le cas, les personnes concernées recevront une notification. Centralisé ou décentralisé, chaque modèle a ses avantages et ses inconvénients. Les deux ont été approuvés par l'Union européenne.

7. Tout est basé sur le « libre arbitre ». On peut décider à la fois d’installer l’application ou pas, de la désinstaller sans aucune sanction, d’activer ou de désactiver le Bluetooth temporairement, de tenir compte des alertes pour se faire tester ou non, et de rentrer le code signalant sa contamination ou de ne jamais le faire. À tout moment et par un simple clic, on peut effacer toutes les données et quitter StopCovid sans regret, après l’avoir testé. What else ? 🤔

8. Même si elle n’est pas téléchargée par la majorité de la population, l'appli est efficace. Entre 0 et 100, il y a des dizaines de nuances. StopCovid vise à briser les chaines de transmission du virus.

9. Le code source de StopCovid est ouvert et l’appli est testée continuellement par des hackers pros honnêtes, toute faille de sécurité sera corrigée. Il y aura par ailleurs, une évaluation continue quant à son efficacité. Le détournement d’usage est possible, mais assez limité et à faible portée au final. Il reste illégal et sanctionné par la loi.

10. Ce n’est qu’un outil parmi d’autres pour contrôler la diffusion du coronavirus dans la société, les gestes barrières et le port du masque demeurent incontournables jusqu’à nouvel ordre.

11. Je fais partie des personnes qui se déplacent fréquemment au niveau local, régional et international. J’ai donc un risque élevé de devenir un vecteur du coronavirus, d’être contaminé par les autres et de contaminer les autres. Installer StopCovid est pour moi un geste intéressé mais aussi citoyen.

12. La pandémie est loin d’être circonscrit. Beaucoup de secteurs d’activité tournent au ralenti ou sont encore fermés (magasins, restaurants, cinémas, théâtres, salles de sports, parcs d’attraction, matchs de foot, concerts, etc.), la majorité des gens sont encore en télétravail, les transports en commun restent beaucoup moins fréquentés, les frontières sont toujours fermées, etc. Crier victoire relève de la pure bêtise. Maintenant que la situation est maitrisée et que les gens ont intégré les gestes barrières, c’est le moment idéal d’effectuer le traçage des contacts, afin de garder la courbe des contaminations basses.

13. Encore une fois la stratégie suédoise qui consiste à ne rien faire, est totalement bidon, elle relève de la mythologie. Appliquer à Paris ce que l’on fait à Stockholm, laisser faire dame nature, c’est s’assurer d’un taux de mortalité quatre fois plus élevé, densité de la population oblige. Et encore, c’est sans tenir compte des différences entre les deux pays, la taille démographique, le développement et l’utilisation des transports en commun, les données touristiques, la culture latine, l’institution de la bise et de la poignée de main, etc.

14. Récapitulons. Certains personnes sont prêtes à partager toutes sortes de données personnelles sur les réseaux sociaux, les médias, les moteurs de recherche, les sites de ventes en ligne et les grandes surfaces -qui donnent des indications précises et nominatives sur leurs opinions politiques, croyance, centres d’intérêt, résidences, goûts, joies, peines, familles, consommations, sorties, vacances, look, QI, bêtises, et j’en passe et des meilleures- dans un souci nombriliste ou pour avoir des bons de réduction, et dont le smartphone déborde de dizaines de Go de toutes sortes d’applications inutiles, sont subitement réticentes à l’idée d’installer, même temporairement pour la tester, une application de 11,5 Mo ultra-encadrée créée par un pays ultra-regardant sur l’usage des données personnelles et qui vise pourtant à les protéger et à protéger leurs proches. Avouez que nous vivons quand même dans une drôle d’époque !

15. Terminons par une anecdote. La seule petite voix qui a failli me dissuader d’installer StopCovid France, est celle de Benjamin Franklin. « Ceux qui renonceraient à une liberté essentielle, pour acheter un peu de sécurité temporaire, ne méritent ni la liberté ni la sécurité. » L’ironie de l’histoire de cette citation, qu’on utilise à tort et à travers, réside dans le fait que le père fondateur des États-Unis voulut dire exactement le contraire de ce que beaucoup de gens pensent qu’il a dit. Nous sommes au 18e siècle. La Pennsylvanie est en guerre contre les Français et les Amérindiens. L’Assemblée locale souhaite imposer une taxe sur les terres des Penn, la famille anglaise à l’origine de la colonie de Pennsylvanie, afin de financer l’effort de guerre et mieux protéger les frontières. Les Penn faisaient pression sur le gouverneur pour mettre son veto. Benjamin Franklin était scandalisé par cette immixtion partisane privée dans les affaires souveraines publiques. La « liberté essentielle » dont il parle est celle de l’Assemblée de légiférer et la « sécurité temporaire » qu’il évoque est celle de la protection des Penn. Près de 250 ans plus tard, la « liberté essentielle » serait celle de se protéger collectivement via StopCovid France, et la « sécurité temporaire » ne peut être que celle de ceux qui crient au loup, fustigent l’application et dénoncent ses risques supposés, au nom de la sécurité. Sacrée ironie 😊


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