Beyrouth, Liban 🇱🇧 J+4/H-24 ⏱ « C’est donc une révolte ? Non, Sire, c’est une révolution ! » Avec la mosquée Mohammad al-Amine et la cathédrale Saint-Georges pour témoins. Et si nous commencions à réfléchir à une sortie de crise réaliste 😊
• PRIMO : Les mouvements dits du 8-Mars et du 14-Mars sont définitivement morts, un nouveau clivage est apparu et deux nouveaux camps se dessinent clairement
- D’un côté, il y a une frange de la population libanaise et ladite société civile, rejoints par les partisans des Forces libanaises, des Kataeb et du Parti socialiste progressiste, ainsi que des mécontents des autres partis CPL, Amal, Hezb, etc. Ils sont favorables à la chute du gouvernement Saad Hariri.
- D’un autre côté, il y a une frange de la population libanaise, le Courant du Futur, le Courant patriotique libre, Amal et le Hezbollah, entre autres. Ils sont contre la démission du Premier ministre, Saad Hariri.
• SECUNDO : Tous les protagonistes de l’échiquier libanais de ce nouveau chapitre de notre histoire sont allés trop loin pour revenir en arrière maintenant
A commencer par les manifestants pacifiques. Les rangs des protestataires n’ont cessé de grossir à vue d’œil et au fil des heures. Aux quatre coins du Liban, les Libanais ont exprimé leur colère, toutes tendances politiques et appartenances communautaires confondues, chiites compris et fiefs du Hezb-Amal inclus. A #Beyrouth comme à Tripoli et à Tyr, on a retrouvé le même mécontentement. Idem pour les manifestants agressifs. Ils sont nombreux et ont recours à différentes formes de violence (couper les routes, brûler des pneus, attaquer le Grand Sérail, etc.).
Les représentants du pouvoir sont allés trop loin également.
- A commencer par Saad Hariri et le courant du Futur. L'ultimatum de 72 heures du PM, de réflexion et de tractation, est vécu par tout le monde comme un affront.
- Si le président de la République, Michel Aoun, garde le silence, Gebrane Bassil fait profil bas. Le CPL est allé trop loin AVANT le déclenchement de la crise et à plusieurs reprises : Gebrane Bassil (la tournée dans le Chouf), Fady Jreissati (scandale des Sikorsky), Mario Aoun (qui croit que les feux n’ont touché que les régions chrétiennes) et Ziad Aswad (qui veut ouvrir les prisons à la classe politique corrompue, à l'exclusion du CPL). En tout cas, les manifestations sont vécues par le CPL comme une opération de sabotage du mandat du duo Aoun-Bassil.
- Si le Hezbollah veut faire pression sur Michel Aoun, pour lui rappeler qu'il lui doit la présidence, et sur Saad Hariri, afin de le contraindre à adoucir les conséquences des sanctions américaines, le parti-milicien ne souhaite pas pour autant la rupture. D’où sa décision d’apporter son soutien au gouvernement.
- Les leaders des partis politiques des Forces libanaises et du Parti socialiste appellent à manifester et réclament la démission du chef d’un gouvernement dans lequel ils siègent mais duquel ils ne veulent pas démissionner ! Les FL ont fini par se décider à partir, pas la girouette de Moukhtara. Une chose est sûre, c’est le divorce pour Geagea avec les piliers du pouvoir, le trio Hariri-Bassil-Aoun. L’accord de Meerab fut donc un grand échec.
• TERTIO : La situation économique ne nous permet pas de nous offrir le luxe de rester dans la rue
Etant donné la détermination de chaque camp à l’emporter et l’ego surdimensionné des Libanais, il ne faut pas être dans le secret des dieux pour prévoir que la situation ne peut que s’envenimer si tout le monde ne redescend pas sur Terre et si chacun ne baisse pas un peu la pression de sa cocotte cérébrale. Qui est responsable et se soucie de notre bien-aimé patrie, se doit de trouver une sortie de crise réaliste, à la hauteur des enjeux et des risques. Pour ce faire, il doit tenir compte de la nouvelle donne qu’on peut résumer de la manière suivante : il y a désormais deux nouveaux camps socio-politiques de taille populaire comparable au Liban, aucun camp ne peut l’emporter en écrasant l’autre camp, la taille politique des camps n’est pas comparables, le camp Hariri/Aoun-Bassil/Berri-Hezb + PSP est plus puissant politiquement, les protagonistes sont allés trop loin pour revenir en arrière.
On peut débattre longtemps de la situation inquiétante du #Liban actuellement sans avancer d'un iota. Et pourtant, en ce temps des esprits fumants, il va falloir trouver une solution de désescalade qui puisse satisfaire tout le monde, ou disons-le franco, sauver la face de tous, dans le respect des lois en vigueur et de la Constitution.
Les sorties de crise proposées au peuple libanais à l’heure actuelle sont de trois natures :
Elles sont proposées à la fois par des compatriotes adeptes de la politique romanesque, par d’autres compatriotes perdus dans les couloirs du temps et se réveillant de leur hibernation temporo-spatiale au pied de la Bastille à l’aube du 14 juillet 1789, ainsi que par certains compatriotes vivant sur orbite autour de la planète Mars. Les slogans de ces sorties de crise se résument par des mots d’ordre divers et variés : révolution (sawra), à bas le régime (falyaskott el nizam), qu’ils partent tous (yifello kelloun ye3né kelloun), récupération de l’argent volé (isti3adat al amwall el manhoubé), interdiction aux politiques de quitter le territoire libanais, etc. Propositions vaseuses, alors zappons.
Commençons par la longue liste des sorties de crise surréalistes sur lesquelles il est inutile de s’attarder longtemps étant donné le caractère délirant des propositions : dissolution du « Parlement des singes » (pour reprendre l’expression de Banksy, j'y reviendrai), destitution de Michel Aoun (j'y reviendrai, sachant que ceux qui la réclament étaient incapables de destituer le prosyrien notoire Emile Lahoud, malgré une série d’assassinats politiques entre 2005-2007 !), révision de la Constitution libanaise (bé kahwet el qzéz barké ; il faut 2/3 du Parlement pour cela, il n'y aura pas assez de chaises !), suppression du confessionnalisme (en ignorant le testament du dernier homme sage de ce pays, le patriache maronite mar Nasrallah Boutros Sfeir, "mena el noufouss qabla el noussous"), formation d’une assemblée constituante (avec Charbel Nahas et Fadia el-Chéreka sans doute), formation d'un gouvernement de salut doté de pouvoirs législatifs exceptionnels ("beirut madinati" svp!), départ de la classe dirigeante (ra7il el tabaka el 7akima, bé kabsit zirr, Paula Yacoubian, députée de la nation!), exil de Gebrane Bassil (je ne sais pas sur quelle base légale, qui au passage, sera le meilleur moyen de souder une majorité des communautés chrétiennes autour du chef du CPL), formation d’un gouvernement sans le Hezb (qui au passage sera le meilleur moyen de souder la majorité de la communauté chiite autour du chef du Hezb), et j’en passe et des meilleures.
Pour que cela puisse avoir lieu, nous devons choisir une des trois options : contraindre Michel Aoun à la démission, destituer Michel Aoun par les voies légales ou envahir le palais présidentiel à l’aube pendant que Michel Aoun est en pyjama, le mettre dans un tank et l’expulser vers l’ambassade de France. Joli programme qui est d’une irresponsabilité sans nom. La dernière fois qu’il y a eu une tentative de ce genre, ça s’est terminé par une mini guerre civile et 1 300 morts. C’était avec Camille Chamoun en juillet 1958. La dernière fois qu’on s'est contentés d'y penser, sans même passer à l’acte, cela a conduit à la paralysie du centre-ville et du Parlement pendant un an et demi (2006-2008). Ce fut avec Emile Lahoud. Et là aussi, ça s’est terminée par une mini-guerre civile en mai 2008 et 100 morts. Notez au passage que le seul opposant à l’occupation syrienne du Liban qui était également opposé à la destitution du président de la République prosyrien en 2005-2007, Lahoud, était le patriarche Nasrallah Sfeir ! Mais ce détail, beaucoup de ceux qui sont nés de la dernière pluie ne veulent pas en entendre parler. Et encore une pour la route, la dernière fois qu’on a élu un président, Aoun, il a fallu 900 jours de vacances du pouvoir pour y parvenir. Alors, il y a encore quelqu’un pour cette idée?
Comme le mandat du Parlement court jusqu’au mois de mai 2022, pour que cela soit possible, il faut dissoudre l’Assemblée nationale. Pas de chance, cela relève des prérogatives du président de la République, actuellement Michel Aoun, ainsi que du Conseil des ministres, présidé de nos jours par Saad Hariri (Constitution Art.55). Et encore, une telle dissolution est soumise à condition : « si la Chambre s’abstient de se réunir » ou « en cas de rejet du budget dans le but de paralyser l’action du Gouvernement » (Art.65). En tout cas, pour y parvenir il faut 2/3 du Conseil des ministres. Soit, mais avec quelle loi électorale ? La loi actuelle, grande circonscription, proportionnelle et vote préférentiel, comme le souhaitent le Futur, CPL, etc.? La loi dite ‘orthodoxe’, chaque communauté élit ses propres députés, comme l’ont proposé les partis chrétiens autrefois ? La circonscription uninominale, à un ou deux tours, comme dans les grandes démocraties ? Un mix de circonscription uninominale à un tour avec tirage au sort et diminution du nombre de députés, comme le propose Bakhos Baalbaki ? Liban circonscription unique avec la proportionnelle intégrale comme le propose le Hezbollah ? Je n’ai pas bien compris, quelle loi électorale ? Et encore, tout doit être terminé dans les trois mois (Art.25), càd avant le 20 janvier 2020. A moins de décider de zapper la Constitution et de transformer notre pays en une ferme! Mazer3a.
Parlons peu, parlons bien. Il y en a deux sorties de crise réalistes, pas trois.
C’est la proposition d’une frange de la population libanaise, ladite société civile, le parti Forces libanaises, etc. Séduisante à première vue, elle ne résiste pas à une réflexion approfondie pour diverses raisons.
. D’abord, parce qu’il n’y a pas de technocrates apolitiques au Liban, il ne faut pas rêver. Déjà en France, il n'y en a pas.
. Ensuite, parce que la formation d’un gouvernement apolitique quand le Parlement est politisé à 100% est une aberration démocratique : il faudra des mois de négociations pour parvenir à désigner les heureux élus; les ministres choisis seront régulièrement paralysés et devront revenir aux partis traditionnels qui les ont choisis et qui sont représentés au Parlement pour décider de la suite; un tel gouvernement jettera l’éponge à la première crise; etc.
. Enfin, parce que dans toutes les grandes démocraties du monde, notamment en Europe, les technocrates sont justement dénigrés, dépréciés et décriés. Ils sont perçus comme des gens déconnectés du peuple, prenant des décisions théoriques dans des bureaux feutrés, sans tenir compte de la réalité du terrain. Les technocrates ne sont absolument pas une garantie pour atteindre la « justice sociale ». Dans les meilleurs des cas, ils prendraient les mêmes décisions que les politiques. Ils pourraient même se révéler pires. Pour s’en convaincre, il suffit de revenir à la définition même du « technocrate » d’après le CNRTL : « Personnage politique ou haut fonctionnaire qui agit et décide en fonction de données techniques ou économiques et sans donner la priorité aux facteurs humains. »
- On peut envisager un remaniement ministériel total de tous les ministres.
- On peut décider d’un bannissement de beaucoup de noms de ministres contestés, comme Fady Jreissati pour son implication dans le scandale des Sikorsky comme je l’ai révélé dans un article publié il y a quelques jours (en négociation pour l’achat de nouveaux bombardiers d’eau en Espagne pour 8 millions $, alors que la maintenance de ceux que nous avons déjà ne coute que 100 000 $/an, de ses propres aveux perdus au fin fond d'une interview).
- On peut s’accorder à ce que Gebrane Bassil, qui est un des noms les plus décriés, comme on l’a vu durant les manifestations depuis 4 jours, ne figure pas dans le nouveau gouvernement. Mais oui, le chef du CPL peut très bien se sacrifier pour prouver sa fidélité à Michel Aoun et sauver le mandat du président de la République! N'est-ce pas GebB ?
- La formation du gouvernement Hariri III devrait obéir à quelques règles : 24 ministres au total, 6 personnalités non politisées et respectées (le ministère de l’Intérieur peut organiser un référendum sur Internet ouvert à tous les électeurs du Liban et de la diaspora, se basant sur une liste établie sur proposition des électeurs, respectant le Pacte national islamo-chrétien), 18 ministres issus des partis représentés au Parlement actuel (avec comme base de conversion 7 députés/1 ministre), chaque parti s’engage à fournir des noms de personnalités non-conflictuelles ayant fait preuve de leur compétence, et SURTOUT, l’attribution des ministères se fait par tirage au sort (pas de ministère-chasse-gardée, ça éliminera beaucoup de nos problèmes!).
- Quelle que soit l’option choisie, une certitude : le maintien de Saad Hariri à la tête du nouveau gouvernement. Ce point est capital pour plusieurs raisons : le PM a la capacité de rassembler les Libanais; il peut obtenir le vote de confiance au Parlement; le faire tomber dans la rue sera mal vécu par une frange de la population libanaise de confession sunnite; il a un poids au niveau international (pour garder la confiance dans notre pays, notamment du côté des pays arabes et occidentaux, encourager les investisseurs à revenir, et surtout, pouvoir mettre en œuvre les accords de la conférence CEDRE, 11 milliards $ de dons contre des réformes structurelles).
Comme gage de confiance, le Premier ministre s’engagera à faire adopter une série de réformes à effet immédiat :
- mener une enquête dans le scandale des incendies et des Sikorsky,
- équilibrer le budget pour 2020 (recettes-dépenses),
- diviser le salaire de tous les "hauts responsables libanais" par deux (càd députés, ministres, hauts fonctionnaires, chef du Parlement, Premier ministre, président de la République, et tous les conseillers de tout ce beau monde),
- lier le salaire des hauts responsables libanais au salaire minimum dans le privé (ah ha, c'est malin, hein! avec un plafond maximal de 9 fois le SMIC libanais, càd 4 000 $/mois; et qui trouve que ce n'est pas assez, pas de problème, qu'il démissionne, nous sommes nombreux à pouvoir assumer des fonctions de président, ministre, député, haut fonctionnaire et conseillers bénévolement et même à payer nos restos, nos voyages, nos factures téléphoniques avec notre propre argent!),
- abolir tous les privilèges des hauts responsables (voitures, remboursements, essence, douane, réceptions, ... ils vivront avec leur salaire comme tous les Libanais, non mais quoi encore!),
- abolir le cumul des retraites pour les ex-hauts responsables,
- diviser par deux les retraites des ex-hauts responsables,
- baisser le nombre de députés de moitié (64 députés au lieu de 128),
- fermer une partie "conseils" des consulats et tous les offices de tourisme à l'étranger,
- limiter les voyages officiels et restreindre la cour des roitelets à 5 membres,
- rendre obligatoire la déclaration des biens et des comptes bancaires détenus par tous les hauts responsables de l’Etat libanais, de leurs conseillers et de tous les membres de leur foyers (mari, épouse, enfants, chiens, chats et poissons rouges), au début et en fin de mandat, au Liban ET à l’étranger (en prévoyant d’infliger de lourdes sanctions à ceux qui font de fausses déclarations),
- et j’en passe et des meilleures.
La liste est longue, à chacun de nous de la compléter. Et pourquoi pas organiser des rencontres dans ce sens au Grand Sérail et sur Internet, établir des synthèses et transmettre les recommandations qui en découlent aux ministères concernés et aux commissions parlementaires, afin de les transformer en loi et "dégraisser le mammouth".
Quelle que soit la sortie de crise adoptée, il ne faut pas nous disperser dans tous les sens, avec une liste d'interminables de revendications, vaseuses et irréalistes. La pression doit continuer, mais nous devons exiger des mesures symboliques, fortes et efficaces. Nous devons bien comprendre, tout ne sera pas résolu, bé kabsit zirr, bé leilé wou dou7aha. Il va falloir travailler sur le long terme et avoir de la patience, de la détermination et du souffle. Quant à l'instant présent, il faut nous concentrer sur une idée, imposer une nouvelle philosophie dans l'exercice du pouvoir au Liban basée sur le triptyque :
- les hauts responsables sont au service du peuple et non l'inverse,
- les hauts responsables doivent constamment prouver qu'ils ne se servent pas de leurs fonctions pour s'enrichir sur le dos du peuple légalement ou à travers la corruption,
- l'argent public est une chose sacrée, chaque haut responsable doit le dépenser avec une extrême vigilance, son gaspillage doit être sévèrement sanctionné.
Vive la République, vive la Constitution, vive le Liban 🌲
#لبنان_ينتفض
• PRIMO : Les mouvements dits du 8-Mars et du 14-Mars sont définitivement morts, un nouveau clivage est apparu et deux nouveaux camps se dessinent clairement
- D’un côté, il y a une frange de la population libanaise et ladite société civile, rejoints par les partisans des Forces libanaises, des Kataeb et du Parti socialiste progressiste, ainsi que des mécontents des autres partis CPL, Amal, Hezb, etc. Ils sont favorables à la chute du gouvernement Saad Hariri.
- D’un autre côté, il y a une frange de la population libanaise, le Courant du Futur, le Courant patriotique libre, Amal et le Hezbollah, entre autres. Ils sont contre la démission du Premier ministre, Saad Hariri.
• SECUNDO : Tous les protagonistes de l’échiquier libanais de ce nouveau chapitre de notre histoire sont allés trop loin pour revenir en arrière maintenant
A commencer par les manifestants pacifiques. Les rangs des protestataires n’ont cessé de grossir à vue d’œil et au fil des heures. Aux quatre coins du Liban, les Libanais ont exprimé leur colère, toutes tendances politiques et appartenances communautaires confondues, chiites compris et fiefs du Hezb-Amal inclus. A #Beyrouth comme à Tripoli et à Tyr, on a retrouvé le même mécontentement. Idem pour les manifestants agressifs. Ils sont nombreux et ont recours à différentes formes de violence (couper les routes, brûler des pneus, attaquer le Grand Sérail, etc.).
Les représentants du pouvoir sont allés trop loin également.
- A commencer par Saad Hariri et le courant du Futur. L'ultimatum de 72 heures du PM, de réflexion et de tractation, est vécu par tout le monde comme un affront.
- Si le président de la République, Michel Aoun, garde le silence, Gebrane Bassil fait profil bas. Le CPL est allé trop loin AVANT le déclenchement de la crise et à plusieurs reprises : Gebrane Bassil (la tournée dans le Chouf), Fady Jreissati (scandale des Sikorsky), Mario Aoun (qui croit que les feux n’ont touché que les régions chrétiennes) et Ziad Aswad (qui veut ouvrir les prisons à la classe politique corrompue, à l'exclusion du CPL). En tout cas, les manifestations sont vécues par le CPL comme une opération de sabotage du mandat du duo Aoun-Bassil.
- Si le Hezbollah veut faire pression sur Michel Aoun, pour lui rappeler qu'il lui doit la présidence, et sur Saad Hariri, afin de le contraindre à adoucir les conséquences des sanctions américaines, le parti-milicien ne souhaite pas pour autant la rupture. D’où sa décision d’apporter son soutien au gouvernement.
- Les leaders des partis politiques des Forces libanaises et du Parti socialiste appellent à manifester et réclament la démission du chef d’un gouvernement dans lequel ils siègent mais duquel ils ne veulent pas démissionner ! Les FL ont fini par se décider à partir, pas la girouette de Moukhtara. Une chose est sûre, c’est le divorce pour Geagea avec les piliers du pouvoir, le trio Hariri-Bassil-Aoun. L’accord de Meerab fut donc un grand échec.
• TERTIO : La situation économique ne nous permet pas de nous offrir le luxe de rester dans la rue
Etant donné la détermination de chaque camp à l’emporter et l’ego surdimensionné des Libanais, il ne faut pas être dans le secret des dieux pour prévoir que la situation ne peut que s’envenimer si tout le monde ne redescend pas sur Terre et si chacun ne baisse pas un peu la pression de sa cocotte cérébrale. Qui est responsable et se soucie de notre bien-aimé patrie, se doit de trouver une sortie de crise réaliste, à la hauteur des enjeux et des risques. Pour ce faire, il doit tenir compte de la nouvelle donne qu’on peut résumer de la manière suivante : il y a désormais deux nouveaux camps socio-politiques de taille populaire comparable au Liban, aucun camp ne peut l’emporter en écrasant l’autre camp, la taille politique des camps n’est pas comparables, le camp Hariri/Aoun-Bassil/Berri-Hezb + PSP est plus puissant politiquement, les protagonistes sont allés trop loin pour revenir en arrière.
On peut débattre longtemps de la situation inquiétante du #Liban actuellement sans avancer d'un iota. Et pourtant, en ce temps des esprits fumants, il va falloir trouver une solution de désescalade qui puisse satisfaire tout le monde, ou disons-le franco, sauver la face de tous, dans le respect des lois en vigueur et de la Constitution.
*
Les sorties de crise proposées au peuple libanais à l’heure actuelle sont de trois natures :
I • LES SORTIES DE CRISE ROMANESQUES - POPULISTES - DÉLIRANTES
Elles sont proposées à la fois par des compatriotes adeptes de la politique romanesque, par d’autres compatriotes perdus dans les couloirs du temps et se réveillant de leur hibernation temporo-spatiale au pied de la Bastille à l’aube du 14 juillet 1789, ainsi que par certains compatriotes vivant sur orbite autour de la planète Mars. Les slogans de ces sorties de crise se résument par des mots d’ordre divers et variés : révolution (sawra), à bas le régime (falyaskott el nizam), qu’ils partent tous (yifello kelloun ye3né kelloun), récupération de l’argent volé (isti3adat al amwall el manhoubé), interdiction aux politiques de quitter le territoire libanais, etc. Propositions vaseuses, alors zappons.
II • LES SORTIES DE CRISE SURRÉALISTES
1. DISSOLUTION DU "PARLEMENT DES SINGES"
Commençons par la longue liste des sorties de crise surréalistes sur lesquelles il est inutile de s’attarder longtemps étant donné le caractère délirant des propositions : dissolution du « Parlement des singes » (pour reprendre l’expression de Banksy, j'y reviendrai), destitution de Michel Aoun (j'y reviendrai, sachant que ceux qui la réclament étaient incapables de destituer le prosyrien notoire Emile Lahoud, malgré une série d’assassinats politiques entre 2005-2007 !), révision de la Constitution libanaise (bé kahwet el qzéz barké ; il faut 2/3 du Parlement pour cela, il n'y aura pas assez de chaises !), suppression du confessionnalisme (en ignorant le testament du dernier homme sage de ce pays, le patriache maronite mar Nasrallah Boutros Sfeir, "mena el noufouss qabla el noussous"), formation d’une assemblée constituante (avec Charbel Nahas et Fadia el-Chéreka sans doute), formation d'un gouvernement de salut doté de pouvoirs législatifs exceptionnels ("beirut madinati" svp!), départ de la classe dirigeante (ra7il el tabaka el 7akima, bé kabsit zirr, Paula Yacoubian, députée de la nation!), exil de Gebrane Bassil (je ne sais pas sur quelle base légale, qui au passage, sera le meilleur moyen de souder une majorité des communautés chrétiennes autour du chef du CPL), formation d’un gouvernement sans le Hezb (qui au passage sera le meilleur moyen de souder la majorité de la communauté chiite autour du chef du Hezb), et j’en passe et des meilleures.
2. ELECTION PRÉSIDENTIELLE
Pour que cela puisse avoir lieu, nous devons choisir une des trois options : contraindre Michel Aoun à la démission, destituer Michel Aoun par les voies légales ou envahir le palais présidentiel à l’aube pendant que Michel Aoun est en pyjama, le mettre dans un tank et l’expulser vers l’ambassade de France. Joli programme qui est d’une irresponsabilité sans nom. La dernière fois qu’il y a eu une tentative de ce genre, ça s’est terminé par une mini guerre civile et 1 300 morts. C’était avec Camille Chamoun en juillet 1958. La dernière fois qu’on s'est contentés d'y penser, sans même passer à l’acte, cela a conduit à la paralysie du centre-ville et du Parlement pendant un an et demi (2006-2008). Ce fut avec Emile Lahoud. Et là aussi, ça s’est terminée par une mini-guerre civile en mai 2008 et 100 morts. Notez au passage que le seul opposant à l’occupation syrienne du Liban qui était également opposé à la destitution du président de la République prosyrien en 2005-2007, Lahoud, était le patriarche Nasrallah Sfeir ! Mais ce détail, beaucoup de ceux qui sont nés de la dernière pluie ne veulent pas en entendre parler. Et encore une pour la route, la dernière fois qu’on a élu un président, Aoun, il a fallu 900 jours de vacances du pouvoir pour y parvenir. Alors, il y a encore quelqu’un pour cette idée?
3. ELECTIONS LÉGISLATIVES ANTICIPÉES
Comme le mandat du Parlement court jusqu’au mois de mai 2022, pour que cela soit possible, il faut dissoudre l’Assemblée nationale. Pas de chance, cela relève des prérogatives du président de la République, actuellement Michel Aoun, ainsi que du Conseil des ministres, présidé de nos jours par Saad Hariri (Constitution Art.55). Et encore, une telle dissolution est soumise à condition : « si la Chambre s’abstient de se réunir » ou « en cas de rejet du budget dans le but de paralyser l’action du Gouvernement » (Art.65). En tout cas, pour y parvenir il faut 2/3 du Conseil des ministres. Soit, mais avec quelle loi électorale ? La loi actuelle, grande circonscription, proportionnelle et vote préférentiel, comme le souhaitent le Futur, CPL, etc.? La loi dite ‘orthodoxe’, chaque communauté élit ses propres députés, comme l’ont proposé les partis chrétiens autrefois ? La circonscription uninominale, à un ou deux tours, comme dans les grandes démocraties ? Un mix de circonscription uninominale à un tour avec tirage au sort et diminution du nombre de députés, comme le propose Bakhos Baalbaki ? Liban circonscription unique avec la proportionnelle intégrale comme le propose le Hezbollah ? Je n’ai pas bien compris, quelle loi électorale ? Et encore, tout doit être terminé dans les trois mois (Art.25), càd avant le 20 janvier 2020. A moins de décider de zapper la Constitution et de transformer notre pays en une ferme! Mazer3a.
III • LES SORTIES DE CRISE RÉALISTES
Parlons peu, parlons bien. Il y en a deux sorties de crise réalistes, pas trois.
1. GOUVERNEMENT DE TECHNOCRATES
C’est la proposition d’une frange de la population libanaise, ladite société civile, le parti Forces libanaises, etc. Séduisante à première vue, elle ne résiste pas à une réflexion approfondie pour diverses raisons.
. D’abord, parce qu’il n’y a pas de technocrates apolitiques au Liban, il ne faut pas rêver. Déjà en France, il n'y en a pas.
. Ensuite, parce que la formation d’un gouvernement apolitique quand le Parlement est politisé à 100% est une aberration démocratique : il faudra des mois de négociations pour parvenir à désigner les heureux élus; les ministres choisis seront régulièrement paralysés et devront revenir aux partis traditionnels qui les ont choisis et qui sont représentés au Parlement pour décider de la suite; un tel gouvernement jettera l’éponge à la première crise; etc.
. Enfin, parce que dans toutes les grandes démocraties du monde, notamment en Europe, les technocrates sont justement dénigrés, dépréciés et décriés. Ils sont perçus comme des gens déconnectés du peuple, prenant des décisions théoriques dans des bureaux feutrés, sans tenir compte de la réalité du terrain. Les technocrates ne sont absolument pas une garantie pour atteindre la « justice sociale ». Dans les meilleurs des cas, ils prendraient les mêmes décisions que les politiques. Ils pourraient même se révéler pires. Pour s’en convaincre, il suffit de revenir à la définition même du « technocrate » d’après le CNRTL : « Personnage politique ou haut fonctionnaire qui agit et décide en fonction de données techniques ou économiques et sans donner la priorité aux facteurs humains. »
2. GOUVERNEMENT HARIRI III
- On peut envisager un remaniement ministériel total de tous les ministres.
- On peut décider d’un bannissement de beaucoup de noms de ministres contestés, comme Fady Jreissati pour son implication dans le scandale des Sikorsky comme je l’ai révélé dans un article publié il y a quelques jours (en négociation pour l’achat de nouveaux bombardiers d’eau en Espagne pour 8 millions $, alors que la maintenance de ceux que nous avons déjà ne coute que 100 000 $/an, de ses propres aveux perdus au fin fond d'une interview).
- On peut s’accorder à ce que Gebrane Bassil, qui est un des noms les plus décriés, comme on l’a vu durant les manifestations depuis 4 jours, ne figure pas dans le nouveau gouvernement. Mais oui, le chef du CPL peut très bien se sacrifier pour prouver sa fidélité à Michel Aoun et sauver le mandat du président de la République! N'est-ce pas GebB ?
- La formation du gouvernement Hariri III devrait obéir à quelques règles : 24 ministres au total, 6 personnalités non politisées et respectées (le ministère de l’Intérieur peut organiser un référendum sur Internet ouvert à tous les électeurs du Liban et de la diaspora, se basant sur une liste établie sur proposition des électeurs, respectant le Pacte national islamo-chrétien), 18 ministres issus des partis représentés au Parlement actuel (avec comme base de conversion 7 députés/1 ministre), chaque parti s’engage à fournir des noms de personnalités non-conflictuelles ayant fait preuve de leur compétence, et SURTOUT, l’attribution des ministères se fait par tirage au sort (pas de ministère-chasse-gardée, ça éliminera beaucoup de nos problèmes!).
- Quelle que soit l’option choisie, une certitude : le maintien de Saad Hariri à la tête du nouveau gouvernement. Ce point est capital pour plusieurs raisons : le PM a la capacité de rassembler les Libanais; il peut obtenir le vote de confiance au Parlement; le faire tomber dans la rue sera mal vécu par une frange de la population libanaise de confession sunnite; il a un poids au niveau international (pour garder la confiance dans notre pays, notamment du côté des pays arabes et occidentaux, encourager les investisseurs à revenir, et surtout, pouvoir mettre en œuvre les accords de la conférence CEDRE, 11 milliards $ de dons contre des réformes structurelles).
Comme gage de confiance, le Premier ministre s’engagera à faire adopter une série de réformes à effet immédiat :
- mener une enquête dans le scandale des incendies et des Sikorsky,
- équilibrer le budget pour 2020 (recettes-dépenses),
- diviser le salaire de tous les "hauts responsables libanais" par deux (càd députés, ministres, hauts fonctionnaires, chef du Parlement, Premier ministre, président de la République, et tous les conseillers de tout ce beau monde),
- lier le salaire des hauts responsables libanais au salaire minimum dans le privé (ah ha, c'est malin, hein! avec un plafond maximal de 9 fois le SMIC libanais, càd 4 000 $/mois; et qui trouve que ce n'est pas assez, pas de problème, qu'il démissionne, nous sommes nombreux à pouvoir assumer des fonctions de président, ministre, député, haut fonctionnaire et conseillers bénévolement et même à payer nos restos, nos voyages, nos factures téléphoniques avec notre propre argent!),
- abolir tous les privilèges des hauts responsables (voitures, remboursements, essence, douane, réceptions, ... ils vivront avec leur salaire comme tous les Libanais, non mais quoi encore!),
- abolir le cumul des retraites pour les ex-hauts responsables,
- diviser par deux les retraites des ex-hauts responsables,
- baisser le nombre de députés de moitié (64 députés au lieu de 128),
- fermer une partie "conseils" des consulats et tous les offices de tourisme à l'étranger,
- limiter les voyages officiels et restreindre la cour des roitelets à 5 membres,
- rendre obligatoire la déclaration des biens et des comptes bancaires détenus par tous les hauts responsables de l’Etat libanais, de leurs conseillers et de tous les membres de leur foyers (mari, épouse, enfants, chiens, chats et poissons rouges), au début et en fin de mandat, au Liban ET à l’étranger (en prévoyant d’infliger de lourdes sanctions à ceux qui font de fausses déclarations),
- et j’en passe et des meilleures.
La liste est longue, à chacun de nous de la compléter. Et pourquoi pas organiser des rencontres dans ce sens au Grand Sérail et sur Internet, établir des synthèses et transmettre les recommandations qui en découlent aux ministères concernés et aux commissions parlementaires, afin de les transformer en loi et "dégraisser le mammouth".
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Quelle que soit la sortie de crise adoptée, il ne faut pas nous disperser dans tous les sens, avec une liste d'interminables de revendications, vaseuses et irréalistes. La pression doit continuer, mais nous devons exiger des mesures symboliques, fortes et efficaces. Nous devons bien comprendre, tout ne sera pas résolu, bé kabsit zirr, bé leilé wou dou7aha. Il va falloir travailler sur le long terme et avoir de la patience, de la détermination et du souffle. Quant à l'instant présent, il faut nous concentrer sur une idée, imposer une nouvelle philosophie dans l'exercice du pouvoir au Liban basée sur le triptyque :
- les hauts responsables sont au service du peuple et non l'inverse,
- les hauts responsables doivent constamment prouver qu'ils ne se servent pas de leurs fonctions pour s'enrichir sur le dos du peuple légalement ou à travers la corruption,
- l'argent public est une chose sacrée, chaque haut responsable doit le dépenser avec une extrême vigilance, son gaspillage doit être sévèrement sanctionné.
Vive la République, vive la Constitution, vive le Liban 🌲
#لبنان_ينتفض