mardi 7 avril 2020

La campagne bancale contre la MEA qui a quadruplé le tarif des billets d'avion pour le rapatriement des Libanais de l'étranger (Art.774)


La stupéfaction, la honte, le scandale. Non mais comment la compagnie nationale libanaise peut-elle se permettre de facturer le retour des expatriés au Liban à 1000, 1500 ou 2000 $ l’aller simple ? Tout simplement parce que la Middle East Airlines n’est justement pas « national » au sens commun. Vous pensez bien, si elle l’était, elle serait comme le reste des institutions libanaises, mal gérée et criblée de dettes. C’est la propriété de la Banque du Liban à hauteur de 99%. Eh oui la #MEA n’appartient pas à vrai dire à l’Etat libanais comme l’a expliqué le président de son conseil d'administration hier, c’est une entreprise commerciale avec un statut spécial. Ce détail a non seulement échappé à certains contestataires de mauvaise foi, mais il explique la campagne contre la MEA. Derrière Mohamad el-Hout, c’est Riad Salamé qui est visé, le gouverneur de la banque centrale.

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On pourrait se demander à juste titre que faisaient encore les Libanais à l’étranger en pleine pandémie de Coronavirus ? L’aéroport de Beyrouth est resté ouvert jusqu’au 18 mars. On peut aussi s’interroger sur cette subite envie de rentrer au Liban en pleine propagation du Covid-19 ? C’est leur droit, nul ne le conteste. Mais vous connaissez les mauvaises langues comment elles sont ! Certaines les accusent de vouloir passer des vacances en famille et entre amis aux « frais de la princesse », l’Etat libanais, tout en recevant des aides des pays d'adoption, au moins en Occident. D’autres les soupçonnent de vouloir fuir le confinement hard des pays développés, pour un confinement soft d’un pays sous-développé. Il y a des étudiants qui suivent des études supérieures certains dans des universités privées, des touristes, des salariés, des entrepreneurs, des hommes d’affaires, etc. N’allons pas par quatre chemins, qu’importe la raison pour laquelle ils rentrent tous au Liban, pourvu qu’ils paient leurs billets. L’écrasante majorité de tout ce beau monde a les moyens de le faire, il n’y a aucune raison que leur retour soit assumé par qui que ce soit et non par eux-mêmes.

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La fermeture de l’aéroport de Beyrouth à cause de la pandémie occasionne des pertes pour la MEA de l’ordre de 1,2 million $/j, soit près de 40 millions $/mois. Au passage, vous connaissez mon leitmotiv, la facture doit être envoyée à la Chine, bien entendu ! Les Etats-Unis ont voté un plan d'aide de 58 milliards de dollars en faveur des compagnies aériennes américaines. Chez nous, l’Etat libanais doit à la MEA 120 millions de dollars ! Et pourtant, la MEA ne demande rien à personne, elle veut tout simplement rester en bonne santé financière, comme toutes les entreprises aujourd'hui. Mohamad el-Hout a prévenu, « Nous ne pouvons pas soutenir financièrement le rapatriement des Libanais qui souhaitent rentrer au Liban car nos priorités sont la survie de la compagnie et la pérennité des emplois de ses 5 900 salariés ». La compagnie libanaise veut tout simplement faire payer celles et ceux qui désirent rentrer leurs billets de retour, aux prix coutants svp. La compagnie a prévu des réductions de 50% pour les étudiants en difficulté. Elle prend même en charge la première nuit d’hôtel pour ceux qui sont obligés de rester en confinement. Mais ce n'est pas assez pour certains.

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Dans la campagne de diffamation abjecte contre la MEA on trouve deux catégories de Libanais. Les gens sincères, moi au début d'ailleurs !, qui ignoraient tous ces faits, victimes de la propagande courante. Nul doute qu’à la lecture de cette note, ils changeront d’avis radicalement. La seconde catégorie est composée de tartuffes qui se présentent en défenseurs du peuple et des expatriés, ils attaquent la MEA sur ses tarifs.

Pour bien démasquer ces imposteurs, il faut rentrer dans les détails de la tarification exceptionnelle appliquée.
- L’aller-retour (AR) d’un Airbus A330 entre Beyrouth et Paris coute à la MEA près de 100 000 $.
- L’avion a une capacité de 200 sièges en classe économique, soit 400 sièges potentiels pour un AR.
- Le billet aller simple étant vendu en temps normal autour de 250 $, un AR génère près de 400 000 $ de chiffre d’affaires (400 sièges x 250 $/billet).
- Dans le cadre du rapatriement des ressortissants libanais en temps de pandémie, l’avion part vide (0 siège occupé) et revient avec la moitié de sa capacité (afin de respecter la distanciation individuelle entre les passagers, soit avec 100 sièges occupés).
- L’AR Beyrouth-Paris dans les conditions imposées par la pandémie, au prix appliqué avant le Coronavirus, ne génèrerait que 25 000 $ (100 sièges x 250 $/siège).
- En temps de pandémie, pour couvrir le prix coutant/coût de revient, sans perdre de l’argent, la MEA doit vendre les "billets-corona" Beyrouth-Paris à 1 000 $ (100 000 $ / 100 sièges ; 4 fois le prix habituel). C’est aussi simple que ça. Et vous avez des hypocrites qui trouvent à redire !

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Mohamad el-Hout et Riad Salamé ne sont pas irréprochables, loin de là. Salaires, patrimoines, fortunes, népotisme, soupçons d'abus de biens sociaux, et j’en passe et des meilleures, la liste des critiques est longue mais c’est hors sujet. D’ailleurs, qui est irréprochable au Liban, leur jette la première pierre ! Comme par hasard, il ne reste plus personne dans l'arène. La Middle East Airlines est un des meilleurs exemples de réussite au Liban. Dans les années 2000, elle cumulait 750 millions $ de pertes. Depuis, elle a fait 1 300 millions $ de bénéfices en 18 ans. Il a fallu ressusciter la compagnie d’une mort certaine. Que l'on veuille ou pas, l’opération est couronnée de succès grâce à ces deux noms. Il y a eu une période de vaches maigres où les prix des billets étaient exorbitants, pour beaucoup d'entre nous, moi en premier. C’était le prix à payer pour sauver la compagnie. Les prix aujourd’hui sont tout à fait comparables à ceux appliqués par toutes les grandes compagnies.

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Dans cette campagne de dénigrement, trois noms se sont illustrés :

- Nabih Berri. L’inamovible chef du parlement depuis 1992, à la fortune tout aussi proportionnelle, a menacé de retirer ses ministres du gouvernement de Hassann Diab si le l’Etat ne se met pas en quatre pour ramener les expatriés. Et les "idiots utiles" nous parlent encore de gouvernement de technocrates ! D'ailleurs, pourquoi Nabih & Randa ne font pas comme Bill & Melinda et ne consacreraient pas une partie de leur fabuleuse fortune à des oeuvres philanthropiques ?

- Jamil el-Sayyed. Ce pilier de la terreur sécuritaire durant l’occupation du Liban par la Syrie se prend pour un député respecté et pour la voix du peuple, alors que sa fortune serait de 27 millions $ d'après Mohamad el-Hout. Hélas, comme tout est communautaire au Liban, je précise à contrecoeur que ces deux personnages sont de confession chiite et qu'une partie des expatriés en mal du pays viendraient d’Afrique et seraient aussi de confession chiite ! Bienvenue au Liban.

- Gebrane Bassil. Il se prend pour Don Quichotte de la République libanaise, alors qu'il est à lui seul le symbole de l’incompétence des dirigeants libanais et de la gestion calamiteuse de l’argent public. Lui et son parti (CPL) contrôlent le secteur électrique (une vache à lait inespérée), depuis une douzaine d’années, qui est responsable de la moitié de la dette abyssale du Liban (90 milliards $) et de la grave crise économique que nous vivons actuellement. Aux dernières nouvelles, j’en ai parlé hier, sa mégalomanie grotesque de construire le QG du CPL sur le promontoire de Nahr el-Kalb ne permettra pas le classement de ce « site national » sur la liste du Patrimoine mondial de l’humanité. La directrice du Centre du Patrimoine mondial Mechtild Rössler l’a fait comprendre vendredi dernier.

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La MEA et le gouvernement libanais se sont mobilisés pour assurer le retour des expatriés libanais qui le souhaitent. Quatre vols sont programmés aujourd’hui en provenance de Paris, Madrid, Kinshasa et Istanbul. L’opération de rapatriement continuera tant que des Libanais manifesteront le désir de rentrer. Elle se fait aux prix coutants pour la compagnie et sans tenir compte des dépenses engagées par le gouvernement. Que les deux soient remerciés, ils n’y sont pas obligés. Et si des réductions doivent être accordées, je préfère que la MEA en fasse profiter les Libanais du Liban à l'avenir, dont le pouvoir d'achat est effondré, et non les Libanais de la diaspora, qui sont beaucoup mieux lotis. Et que toutes ces mauvaises langues aient la décence de la mettre en sourdine. يلي استحو ماتو. Beaucoup d'expatriés d'Europe et d'Afrique ont payé leurs billets aux prix exceptionnels sans rechigner. Alors, halte à l'exploitation politicienne de ces infortunes, afin de camoufler l'incompétence légendaire de certains politiciens libanais.


© 2011-2020 Bakhos Baalbaki