jeudi 14 novembre 2019

Ils jacassent comme des pies sur les parpaings de Nahr el-Kalb mais font les autruches sur l'irruption milicienne de membres du CPL à Jal el-Dib et le meurtre d'un révolutionnaire par un membre des services de renseignement : ce sont les tartuffes de la révolution libanaise (Art.676)


Depuis le 17 octobre les tartuffes révolutionnaires nous expliquent en long, en large et de travers qu’il faut couper les routes car c’est la seule façon de faire plier le pouvoir. Et puis voilà, soudainement au 28e jour, lorsque d’autres révolutionnaires ont eu l’idée originale de monter quelques rangées de parpaings dans le tunnel de #Nahr_elKalb au Kesrouane, comme à Naamé et Tripoli, afin de couper l’axe Beyrouth-Tripoli d’une manière efficace sans recourir à la stupide idée d’incendier des pneus, حدث بلا حرج. Ces tartuffes révolutionnaires se sont mis à jacasser comme des pies et à pousser des cris de vierges effarouchées. Ce sont des voyous, on a affaire à des miliciens séparatistes, ils veulent créer leur canton, ça nous rappelle la guerre civile, etc. Tout ça, parce que les tartuffes révolutionnaires sont des CPL-camouflés et hezbollahi-compatibles et les supposés séparatistes sont des FL-affichés et hezbollahi-incompatibles. Aussi simple que cela, ورجعت حليمة على عادتها القديمة 😋

Et pourtant, ces derniers jours furent marqués par trois événements consternants, sur lesquelles ces tartuffes révolutionnaires préfèrent garder le silence et avaler leur langue.

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► Jeudi 14, réseaux sociaux. La photo circule depuis quelques heures. On voit un officier de Baabda en civil, des renseignements sans doute, en sécurité derrière des barbelés, tout sourire, qui en toute impunité, fait un doigt d’honneur aux manifestants avec la main droite, tout en brandissant un revolver avec la main gauche. On dit que le revolver a été confisqué à un manifestant. Bravo. Et le doigt d'honneur? Enfin, ça ne casse pas trois pattes à un canard, mais bizarrement, les tartuffes révolutionnaires n’en ont rien vu. Évidemment, tant que sa tête est planquée dans le sable, l’autruche ne risque pas de voir grand-chose.

► Mercredi 13, Jal el-Dib. Des hommes, des partisans incontestables du CPL, armés de fusils d’assaut svp, donc des miliciens avérés, ont fait irruption dans la rue. تهديد ووعيد، وعنتاريات وكروش عل الطريق, ils ont menacé les protestataires pacifiques, et leur ont tiré dessus, dans le but de les faire partir. هيدي قبل السحسوح. Par la suite, اكلوها قتلة مرتبة، وبعد السحسوح, ils ont allé se retrancher dans un bâtiment du coin. Il a fallu l’intervention de فوج المغاوير, pour les récupérer, les mains libres, sans menottes svp, ce qui leur a permis de faire le signe du CPL en partant, sachant que pour n’importe quel motif, quand vous êtes arrêtés au #Liban, vous êtes systématiquement menottés, surtout si vous aviez une kalach dans les mains quelques minutes avant. Et après, on se demande pourquoi il y a des Libanais qui doutent de l’apolitisation des forces armées au Liban ! En tout cas, les tartuffes révolutionnaires ont préféré avaler leur langue et remettre leur tête dans le sable, comme lorsque des miliciens du Hezb-Amal ont attaqué les protestataires pacifiques de Beyrouth à plusieurs reprises.

► Mardi 12, Khaldé. C’est une de ces histoires qui vous font sortir de vos gonds. Un homme de 38 ans a été tué de la manière la plus abominable qui soit, gratuitement et de sang-froid, devant sa famille, alors qu’il participait à un sit-in pacifique. Là, curieusement, les tartuffes révolutionnaires ont préféré assurer le service minimum. Et pourtant, le meurtre est odieux. D’habitude, dans des cas similaires, ils sont nombreux à réclamer la peine de mort. A ma connaissance, pas un seul Libanais ne l’a demandé pour le meurtrier d’Alaa Abou Fakher, pas parce que la majorité des Libanais sont contre la peine capitale, mais parce que le meurtrier appartient aux services de renseignement.

On sait que la route était coupée par des manifestants, un véhicule civil a voulu forcer le barrage et il y a eu un vif échange et une bousculade. La suite n'est pas claire. Selon l’armée, « un des militaires a été contraint de tirer pour disperser la foule, blessant une personne au passage ». D’après un témoin et sa femme, « le meurtrier a sorti son arme et a tiré à bout portant sur Alaa Abou Fakher ». L’enquête devra déterminer ce qui s'est passé au juste, pour que justice soit rendue. Rien absolument rien, ne justifie ce crime odieux. Une chose est sûre, on n’a pas entendu les tartuffes révolutionnaires jacasser comme pour le mur de Nahr el-Kalb !

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Depuis un moment, certains compatriotes sincères nous rabâchent les oreilles et nous expliquent que la belle révolution du 17 octobre a uni les Libanais, créer la citoyenneté, blablabla et patati et patata. Excusez mon cynisme, mais je ne suis pas né de la dernière pluie. Autant j’admire les gens passionnés, altruistes, désintéressés et authentiques, autant je méprise au plus haut degré, les imposteurs, égocentriques, intéressés et hypocrites. Les premiers se font rares, les seconds sont légion de nos jours. Non les amis, le Libanais nouveau n’est pas arrivé ! Et ce n’est pas demain la veille d’ailleurs qu’il arrivera. Il y a encore beaucoup de travail. Ah non, il ne verra pas le jour avant le Beaujolais nouveau. Le premier n’est même pas à l’ordre du jour à l’heure actuelle, le dernier, c’est jeudi prochain 😊

Alaa Abou Fakher croyait en cette révolution. Il laisse une veuve et trois orphelins de père. La veille du soulèvement populaire, il a dit à son fils, qui l’a vu mourir de ses propres yeux : « Ô Omar, chaque année tu grandis et tes soucis grandissent un peu plus. N’aie jamais peur du temps, je serai à tes côtés. Sois cet espoir parmi les gens et ne sois pas arrogant. L’espoir que tu préserves les valeurs de ton grand-père. » Une heure plus tard, c’est autour de la mère de s’associer à la fête : « Toi, mes yeux, mon âme et toute ma vie, que Dieu ne me prive pas de vous mes enfants… et qu’il garde ton père au-dessus de vos têtes ». Par la faute d’un criminel de la pire espèce, le sort a voulu que ces deux statuts d’anniversaire sur les réseaux sociaux se transforment en un testament pour son fils et une douleur poignante pour son épouse.

Conseiller municipal et militant du Parti socialiste progressiste, Alaa a répondu à l’appel de la rue dès les premières heures du soulèvement populaire, avec sa femme, qui préparait avec amour des sandwichs عرايس لبنة وزيت زيتون , pour nourrir les enfants de la patrie et de la révolution. Moins de 48 heures avant son assassinat abject, comme si c’était prémonitoire, il glisse à un ami, « pour bâtir une patrie, il faut beaucoup de sacrifices, Dieu est avec nous ». Il ne croyait pas si bien dire. Je lèverai mon prochain verre à ton âme Alaa Abou Fakher. Non seulement tu as montré à tous les libanais un courage incroyable, mais tu es l’incarnation même du révolutionnaire sincère, pas comme tous ces tartuffes de la révolution qui jacassent à longueur de journée et de murs. Repose en paix, tu as droit à la vie éternelle 🍷


© 2011-2020 Bakhos Baalbaki