lundi 11 novembre 2019

La session parlementaire extraordinaire du 12 comme du 19 novembre au Liban : constitutionnellement nulle et non avenue, mais anticonstitutionnellement valide (Art.674)


La session parlementaire extraordinaire prévue pour ce mardi 12 novembre est une aberration démocratique, non justifiée et illégitime. Nous pouvons d’ores et déjà affirmer que tout ce qui peut en sortir est constitutionnellement parlant nul et non avenu, et anticonstitutionnellement parlant valide, à la fois sur la forme linguistique comme sur le fond politique, sans même nous donner la peine de rentrer dans les détails du contenu législatif à l’ordre du jour 🤺

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Commençons par la forme linguistique. D’après l’article 69 de la Constitution libanaise, « lorsque le gouvernement démissionne… la Chambre des députés devient de plein droit en session extraordinaire jusqu’à la formation d’un nouveau gouvernement ». En gros, pour comprendre, il faut savoir que les députés ne travaillent pas toute l’année place de l'Etoile, comme vous et moi et tous ceux et celles qu’ils représentent. Il y a deux périodes où ils siègent, 5 mois au total dans l'année en tout et pour tout, répartis sur le printemps et l’automne, appelées « sessions ordinaires » (عقدين عاديين). En dehors de ces périodes légales, ils peuvent le faire, sous certaines conditions. Pour souligner le caractère « non courant » de ce genre de sessions, les Pères fondateurs de la République libanaise ont choisi le mot « عقود استثنائية » (sessions extraordinaires). Ces termes en arabe et en français ne doivent rien au hasard, ils sont murement réfléchis et bien choisis. « استثنائية » est utilisé dans le sens « غير معتادة » (inhabituelles) et non « طارِئة » (urgentes), nuance de taille. Ainsi, les « sessions extraordinaires » au sens de la Constitution libanaise sont des sessions qui font « exception à la règle » ou « hors de l’ordinaire » tout simplement. Hélas, en pleine délire révolutionnaire, il faut rappeler aux ignares des temps modernes qui sont légion, du pouvoir comme de la société civile d'ailleurs, le sens des mots 😋

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Passons maintenant au fond politique. Oui le Parlement est de plein droit en « session extraordinaire » aujourd’hui. Théoriquement, il peut légiférer. Il n’empêche qu’à travers ce fondement constitutionnel, l'article 69, les Pères fondateurs voulaient plutôt offrir au #Liban une garantie législative pour parer à l’éventualité d’un enlisement dans la formation du nouveau gouvernement : ils se sont dits, comme la formation d'un gouvernement peut prendre beaucoup de temps à cause du pédalage dans le bourghoul oriental des enfants de la patries (il n’y a aucune contrainte temporelle dans la Constitution à ce sujet), il faut absolument doter l’État du pouvoir de voter une loi en cas de nécessité.

Pas besoin d’être « khabir doustouré » pour comprendre que pendant que « le gouvernement démissionnaire expédie les affaires courantes » et « dans le sens étroit du terme » (càd « le strict minimum » pour assurer la continuité du pouvoir), comme le précise l’article 64 de la Constitution, l’assemblée nationale ne peut absolument pas voter une panoplie de lois qui engagent l’avenir du peuple libanais pour longtemps ! Houston we have a problem, de cohérence et de logique.

Les Pères fondateurs de la République libanaise n’ont surement pas rédigé l’article 69 pour que :

• le pouvoir législatif représenté de nos jours par le chef du Parlement Nabih Berri (né en 1938, 5 ans avant l’indépendance que nous avons étudié dans les livres d’histoire pour un grand nombre d’entre nous);
• un haut responsable cloué au perchoir depuis 1992 (27 ans de règne);
• un homme fortement contesté dans la rue (c’est Berri et non Nasrallah qui fait l’objet d’un certain rejet par une petite frange de la communauté chiite; et surement pas le chef du Hezbollah, comme le répètent les autruches orientales et occidentales!);
• une assemblée nationale composée d’une classe politique fortement contestée (par une "frange de la population libanaise" et non par "2 millions de personnes" un chiffre qui relève de la mythologie !), mais dont "la légitimité n'est pas tombée dans la rue" (une allégation vaseuse émise par la société civile qui relève de la prose que du droit constitutionnel);

Se mette à légiférer à la hâte moins de deux semaines seulement après la démission du gouvernement Saad Hariri, des lois bâclées qui engagent l'ensemble du peuple libanais, et pas seulement les responsables politiques et les révolutionnaires de la dernière pluie ! Tout ce processus législatif est absurde. Il doit prendre fin avant même de commencer !

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📢 Nous pouvons d’ores et déjà affirmer que tout ce qui peut sortir de la session organisée par Nabih Berri est « anticonstitutionnellement » parlant valide, mais constitutionnellement nul et non avenu, sur la forme linguistique comme sur le fond politique, sans même nous donner la peine de rentrer dans les détails du contenu législatif à l’ordre du jour. Son seul intérêt c’est de nous donner l’occasion de placer le mot le plus long de la langue française. Nous aurions aimé nous en passer 😊

Par conséquent, la session parlementaire extraordinaire prévue ce mardi 12 novembre est une aberration démocratique, non justifiée et illégitime. C'est une manoeuvre politicienne pour détourner l'attention du peuple libanais de l'essentiel et de ce qui est urgent à l'heure actuelle : les consultations parlementaires, la nomination d'un nouveau Premier ministre et la formation du nouveau gouvernement. Tout le reste, de la légalité des lois qu'un pouvoir politique contesté s'apprête à voter en session extraordinaire alors que le gouvernement démissionnaire expédie les affaires courantes, à la légitimité des élections législatives anticipées réclamées par une société civile déconnectée de la réalité, sont des palabres et des lâchers d'éléphants roses, 2aret 7aké wou fioulé bel hawa, qui encombrent le ciel, les esprits et les murs des réseaux sociaux 🐘

#respectez_la_constitution_de_la_république_libanaise


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