France vs Turquie, 24 heures séparent ces deux décisions historiques.
. D’un côté, on a un Emmanuel Macron, président d’une République française laïque, qui donne son feu vert non seulement pour reconstruire Notre-Dame de Paris (photo perso ; beaucoup d'anticléricaux ont protesté d’ailleurs et aurait souhaité laisser le bâtiment en ruine !), mais surtout pour le faire à l’identique (sans hérésie architecturale contemporaine !), parce qu’il a estimé que la cathédrale chrétienne est un héritage cultuel et culturel précieux pour tous les Français (chrétiens, athées et non chrétiens), et pour l’ensemble de l’humanité.
. Et de l’autre côté, un Recip Tayyip Erdogan, président d’une République de Turquie laïque aussi, qui a tout fait pour ré-islamiser cet édifice unique au monde (photo Arild Vagen), par son triple caractère, musée-mosquée-église, afin que son identité musulmane récente sur moins de 500 ans, en tant que mosquée Ayasofya (1453-1934), domine son identité laïque actuelle en tant que musée du même nom (depuis sa désaffectation en 1934), et surtout, son identité chrétienne ancienne sur plus de 1 100 ans, en tant que basilique Sainte-Sophie (360-1453).
Conscient de la place qu’occupe l’édifice spécial dans la mémoire collective chrétienne et musulmane à la fois, en Occident et en Orient simultanément, le père de la nation turque, Mustafa Kemal Atatürk, a eu le génie et le courage de désacraliser la mosquée afin de « l’offrir à l’humanité » dit-il. Hélas, cette belle initiative n’a pas duré un siècle, parce qu’un islamiste des temps modernes en costard-cravate, en a décidé autrement. Il n’y a peut-être pas assez de lieux de culte musulmans à Istanbul !
Et voilà comment Macron se montre digne et respectueux de cet héritage inestimable. Le président français libère la France de ses débats byzantins et la projette dans l’avenir. Et voici comment Erdogan se montre indigne et irrespectueux de cet extraordinaire héritage. Le président turc emprisonne la Turquie dans ses débats byzantins et son passé ! Ataturk, Macron, Erdogan, aux hommes d'État, les grands pas et l’humanité reconnaissante, et aux politicards extrémistes, les petits pas et une humanité consternée. Le président turc s'est empressé pour annoncer que la première prière musulmane est programmée pour le vendredi 24 juillet. L'absurde dans toute cette histoire, qui dure depuis l'entrée en politique du nouveau gardien de la Sublime porte dans les années 1990, les musulmans en général, turcs en particulier, n'ont absolument rien gagné. Ce ne sont pas les mosquées qui manquent sur les bords du Bosphore. Par contre, il ne faut pas être devin pour imaginer qu'il n'y a pas un seul citoyen du monde qui n'a pas une mauvaise opinion de la Turquie ce soir.