samedi 11 juillet 2020

L'agression d'un groupe de randonneurs libanais par des miliciens du Hezbollah à proximité du lieu où a été assassiné le pilote de l'armée libanaise Samer Hanna en 2008 (Art.819)


En cette belle journée estivale, Wissam a cru naïvement qu’il vivait dans un beau pays méditerranéen et qu’il pouvait en profiter avec ses amis pour faire une jolie randonnée, un plongeon et un pique-nique. Cap sur les bords de la rivière Zahrani et sur les abords du village d’Arabsalim. Ce sont des localités situées sur Jabal Amel, une région montagneuse magnifique du sud du Liban. Ça ne vous dit rien ? Mais c’est l’autre côté du village de Sojoud voyons ! Toujours rien ? On fera un tour plus tard et une piqure de rappel plus loin.

Trois heures après leur arrivée, sans aucune sommation, un déluge de pierres s'est abattu sur Wissam et ses amis, 4 hommes et 2 femmes. Inquiet, un d’entre eux quitte le groupe et se précipite vers les lanceurs de pierres sur la colline et se présente, Ahmad Mahboubat de la Sûreté générale. Pauvre Ahmad, il se croyait sur le territoire libanais ! Il s’est vu répondre par un des trois énergumènes اير فيك وبامن العام (« je t’en*ule et en*ule la Sûreté générale »). Wissam arrive aussitôt et le trouve par terre, entre les pieds de trois hommes. Il s’est demandé naïvement si son ami n’avait pas manqué de respect aux بهايم devant lui. La réponse n’a pas tardé, un de ces derniers l'a roué de coups sans aucune retenue. Naïvement encore, il lui a attiré l’attention qu’il pourrait le tuer en le frappant sur la tête. Le colosse lui a rétorqué, mais justement c’est mon intention. La racaille s’est déclarée « appartenir au Hezbollah », que les randonneurs ne pouvaient pas « venir ici pour se saouler », « avec des femmes » et « polluer la terre des martyrs ». Le moment le plus glaçant de ce témoignage c’est lorsque l’intervieweur demande à Wissam, comment ont-ils fait pour s’échapper à leurs agresseurs. « A vrai dire, nous n’avons pas pu nous échapper, ils se sont ennuyés (…) au bout d’une heure ». D’après lui, deux snipers étaient postés en hauteur, ils n’attendaient que le feu vert pour abattre les intrus comme des gibiers.

Wissam a été condamné à une peine d'une quinzaine de coups de bâton pour un crime qu'il n'a pas commis. Il est tuméfié. La peine d'Ahmad Mahboubat est aggravée parce qu'il a osé révéler qu'il était de la Sûreté générale. Il est toujours hospitalisé. Il est victime de multifractures aux bras et d’un traumatisme au niveau des cervicales. Le but de l’opération terroriste était clair, dissuader les randonneurs non seulement de revenir dans la région, encore moins avec des femmes et de l’alcool, mais aussi pour que cela se sache, afin que d'autres Libanais ne soient pas tentés d’y mettre les pieds.

Comme je l’ai annoncé dans l’intro, tout cela s’est passé à un jet de pierre du village de Sojoud. Eh oui, c’est là où l’officier Samer Hanna, pilote d’hélicoptère de l’armée libanaise a été abattu à bout portant par un milicien du Hezbollah le 28 août 2008. Son assassin a été victime de graves hallucinations qui l’ont empêché de bien distinguer le « Cedrus libani » du drapeau du Liban, de la « Maguen David » du drapeau d’Israël ! La légende dit qu’il a cru que Tsahal faisait une opération commandos dans le coin ! L’affaire a fait tellement de bruit, surtout que la victime était chrétienne et l'assassin chiite, que le Hezbollah a été contraint de livrer ce dernier au tribunal militaire. Il a été arrêté quelques semaines et remis en liberté sous caution ! Michel Aoun et Gebrane Bassil ont tout fait pour minimiser ce meurtre de sang-froid, afin de ne pas menacer la nouvelle alliance Hezb-CPL conclue deux ans auparavant, surtout que nous étions la veille des élections législatives de 2009. L’assassin est mort en 2014 au cours des combats miliciens du Hezb à la frontière syro-libanaise. Il n’a jamais été jugé pour son crime. Il a même été élevé par le Hezb et le CPL aussi, au rang de martyr. Quant à Samer Hanna, il n’a été déclaré que victime d’un fait divers et de la malchance.

On essaie d’enterrer l’affaire en cours surtout en faisant croire qu’on ne sait pas trop si les trois zozos sont vraiment du Hezb ou d’Amal, voire s’ils n'appartiennent à aucun des deux partis. Foutaises, ils étaient armés, portaient des vêtements militaires, avaient des talkies-walkies, et surtout, ils agissaient avec beaucoup de décontraction. Pour passer des gens à tabac pendant une heure sans se soucier de quoi que ce soit, il faut avoir les reins solides et bénéficier d’une immunité. La région de Sojoud-Arabsalim était et est de facto une « zone milicienne » sous le contrôle du duo chiite, notamment du Hezbollah, malgré les résolutions 1551 et 1701. Personne, pas même l’armée libanaise, n’y est autorisé à y trainer, encore moins à s’entrainer, et apparemment, même à se divertir, surtout avec des femmes et de l’alcool.

Rien ne semble avoir changé depuis le martyre de Samer Hanna en 2008. Hezb ou Amal, les Libanais n'en ont cure, bienvenue dans « l’iranisation du Liban » où des miliciens imposent une loi islamiste, en parallèle avec la Constitution et les lois en vigueur. Si le tueur de cet officier de l’armée libanaise avait terminé sa vie en prison, on n’en serait pas là sans l'ombre d'un doute. Alors de deux choses l’une : soit le sud du Liban fait partie du territoire libanais, les agresseurs doivent alors écopés d’une lourde peine et la région déclarée par Hassann Diab en personne ouverte à tous les randonneurs libanais, hommes et femmes, avec ou sans alcool ; soit ce n’est pas le cas, le divorce est acté et il n’y a plus qu’à négocier les modalités de la séparation. Le mot de la fin, je le laisse à Wissam, déterminé à passer l’été dans les eaux douces de cette belle région, épargnée par l'urbanisation sauvage. Sa conclusion est terrible : « Quand Israël nous a occupé, nous pouvions nous installer à la frontière israélo-libanaise ! Ce n’est pas permis qu’un occupant bizarroïde nous tue de cette manière de nos jours. »

#لا_لأيرَنة_لبنان


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