C’est l’un des meilleurs établissements hospitaliers du Moyen-Orient. Et pourtant, le plan de licenciement gigantesque adopté par la direction du Centre médical de l'Université américaine de Beyrouth prévoit la suppression de 850 emplois en bloc. Dans un pays plongé dans une crise existentielle, politique et économique, il n’est pas difficile d’imaginer la profondeur du désespoir de ces compatriotes en apprenant la perte de leur boulot.
Face à ce drame humain, personne ne peut rester insensible. Le désespoir de ces femmes et hommes me plonge personnellement dans une colère noire qui prend la forme d’un questionnement.
. Primo, est-ce que ce plan de licenciement est justifié dans son ampleur ? Pourquoi 850 personnes et non 250 ou 550, voire 777 ? Un seul emploi épargné c’est une famille repêchée du désespoir. Et pourquoi en bloc et pas par étapes ? Est-ce que l’inévitable n’était pas contournable ?
. Secundo, l’AUB, université comme hôpital, qui pratique des prix exorbitants dans les deux domaines, inabordables pour l’écrasante majorité du peuple libanais, n’est-elle pas aussi mal gérée que le reste au Liban ? L’appât du gain, la cupidité, et des salaires faramineux pour les « grands boulots », n'ont-ils pas eu raison de cette prestigieuse institution et des « petits boulots » ? Au passage, le narcissique Premier ministre Hassann Diab qui travaillait à l’AUB, avait un salaire annuel de 200 000 $ ! Si si, même lui ! Rien que celui-là, était-il justifié ?
. Tertio, quel est le degré de responsabilité du quintet infernal au pouvoir Aoun-Bassil-Diab-Berri-Nasrallah, et des ministres et des députés de la majorité, dans ce drame ? Certes, les difficultés de l’AUB s’inscrivent dans le marasme général qui frappe le Liban depuis un bail. Il n’empêche que seuls les descendants des autruches, les idiots utiles du Hezb et les hezbollahi-compatibles s’obstinent à ne pas reconnaitre que depuis que le Hezbollah et ses alliés, Amal et Courant patriotique libre, contrôlent le pays, octobre 2016, la situation ne cessent d’aller de mal en pis. J'ai bien précisé de mal en pis !
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A ce propos, question bonus, est-il décent qu’au même moment où 850 personnes sont licenciées de l’AUB/Hôpital, que l’AUB/Université s’est déjà séparée de 25% de son personnel (plus de 1 000 personnes), que le Premier ministre, Hassann Diab, dépose une plainte, il y a seulement quelques semaines!, pour réclamer 1 000 000 dollars, en tant qu’ex-employé de l’établissement universitaire ? Le locataire du Grand Sérail justifie ce caprice financier par le contrat qui le liait à l'AUB avant sa désignation pour former le gouvernement le plus nase de l'histoire du Liban, en tant que professeur d'ingénierie et vice-président des programmes externes régionaux, un poste qu'il devait occuper jusqu'en 2025.
D’après certaines informations, il a commencé à menacer l’AUB de poursuites judiciaires rapidement après sa prise de fonction et la formation de son gouvernement. Il aurait même demandé à l’AUB que cette compensation financière lui soit versée en dollars svp et virée sur un compte à l’étranger. Le comble c’est qu’il avait le choix de prendre un congé sans solde de deux ans, puisqu’il est gracieusement rémunéré comme Premier ministre, et puis de retourner pépère à son poste universitaire, après la chute de son gouvernement, que personne ne regrettera, soit dit au passage. Eh bien non, il s’imagine faire de vieux os au Grand Sérail, jusqu’en 2025 ! Vous ne vouliez pas me croire, il faut se méfier du narcissique comme de la peste.
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En 2010, l’American University of Beirut Medical Center présentait un ambitieux projet « AUBMC 2020 Vision », comprenant « la création de nouvelles installations médicales (cliniques et universitaires), des investissements dans des équipements de pointe, le recrutement de médecins et d'infirmières talentueux et des partenariats régionaux et internationaux ». Aujourd’hui, l’AUBMC lutte pour sa survie au prix d’un plan de licenciement qui prévoit le renvoi de 850 personnes au pire moment qui soit.
La prestigieuse institution de l’AUB à Ras Beyrouth, reconnue pour la qualité de son enseignement et ses soins médicaux, doit être sauvée à tout prix, l’hôpital comme l’université. C’est la plus ancienne au Liban. Tout avait commencé en 1866, avec une faculté de médecine et 16 étudiants. Indépendantes depuis 1902, c’était l’œuvre de missionnaires américains, les anti-américanistes primaires de tous temps et les néo-cocos ont tendance à l’oublier. Elle doit être sauvée comme doivent l’être d’autres institutions privées hospitalières, universitaires et scolaires prestigieuses du Liban, l’Université Saint-Joseph, les lycées franco-libanais, les écoles des Frères chrétiens, etc. Toutes multiplient les appels aux dons, c’est pour dire qu’une menace sérieuse pèse sur les secteurs éducatifs et hospitaliers actuellement. Non seulement toutes ces institutions font partie du patrimoine immatérielle du pays, mais elles constituent des organes vitaux pour le corps libanais.
Faute d’être licencié par son employeur, le peuple, le quintet au pouvoir Aoun-Bassil-Diab-Berri-Nasrallah doit comprendre qu'il est grand temps qu'il parte à la retraite pour espérer sauver le Liban. Plutôt il le fait, plus rapidement la confiance reviendra et l’espoir de jours meilleurs renaitra. Avant la guerre, la moitié des étudiants de l’AUB venait de l’étranger. On venait de tout le Moyen-Orient pour se faire soigner dans son hôpital. C’est pour dire la place qu’occupait le Liban en général et l’AUB en particulier, dans les domaines éducatif et médical, à l’époque où le pays du Cèdre était surnommé la « Suisse de l’Orient ». بئس هذا الزمن الرديء , comme l'a dit le grand patriarche maronite d’Antioche et de tout l’Orient, mar Nasrallah Boutros Sfeir, et comme l'a fait comprendre à de multiples reprises, l'archevêque grec-orthodoxe de Beyrouth, monseigneur Élias Audé. Pourvu que le successeur de Sfeir, Bechara Raï, l’ait bien compris et lance enfin, le processus qui pourrait conduire à la 3e indépendance, libérer l'Etat libanais de l'hégémonie du Hezbollah 🤔