jeudi 18 juin 2020

Alors que le Liban est en pleine négociation avec la communauté internationale pour obtenir des aides financières, le chef du Hezbollah libanais rend hommage à l'ex-chef du Jihad islamique palestinien (Art.803)


Cela est passé inaperçu et pourtant, ce que Hassan Nasrallah a fait aura forcément des conséquences néfastes pour l'ensemble des Libanais, toutes appartenances communautaires et tendances politiques confondues. Alors que le Liban doit faire face à la plus grave crise économique de son existence, sachant qu’il est endetté à hauteur de 90 milliards de dollars soit pas loin de 200% de son PIB, qu'il négocie durement pour obtenir le soutien financier des pays arabes et occidentaux, et que le Moyen-Orient est à la veille de l’entrée en vigueur de Caesar Act, les plus lourdes sanctions américaines infligées à la tyrannie des Assad et à ses soutiens, qui feront très mal au Liban si le quintet au pouvoir continue sa politique de l'autruche, le chef du Hezbollah a tenu à s’adresser aux Libanais. Beaucoup d’entre eux ne l’écoutent plus. Ils ont tort, ils devraient le regarder au moins.

Que le narcissique en chef, qui a obtenu son poste de Premier ministre dans une pochette surprise, arrête de parler à son miroir, regarde ses compatriotes droit dans les yeux et leur explique comment il espère retrouver la « confiance » des Libanais du Liban et de la diaspora, ainsi que celle des investisseurs étrangers et des dirigeants des pays arabes et occidentaux, ramener le Liban à renouer avec le génie phénicien du commerce et récupérer son titre de Suisse de l’Orient, et faire en sorte que les dollars coulent à lot sur les comptes bancaires et alourdissent les poches des travailleurs, avec ceci ?

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Oubliez nos différends politiques avec Hassan Nasrallah, voici le décor de la conférence de presse du chef du Hezbollah, préenregistrée et diffusée le mardi 16 juin.

A sa gauche, la photo d’un homme, un certain Hajj Hassan Farhat, présenté comme le « chef jihadiste » svp. Il fait partie des miliciens de la première heure, « la génération fondatrice du Hezbollah et de la Résistance islamique au Liban », qui a combattu aussi en Syrie. Soit.

A sa droite, la photo d’un certain Docteur Ramadan Abdallah Chalh, mort il y a dix jours. L’homme est présenté comme « l’ex-secrétaire général du mouvement du Jihad islamique » ! Houston we have a problem, oh, même trois. C’est l’ex-chef palestinien d’un parti-milicien palestinien à la fois islamiste et jihadiste, classé terroriste par les pays occidentaux, dont les États-Unis et l’Union européenne, comme le Hezbollah d’ailleurs. Sa branche armée est appelée, saraya el-qods. Sous son règne, de 1995 à 2018, nombreux attentats terroristes ont été commis. Lui-même est sur la liste noire américaine du terrorisme, un des Most Wanted Terrorists recherchés par le FBI. Il vivait tranquillement au Liban car le Jihad islamique a pignon sur rue, comme n’importe quelle ONG. Mais bon, il sera enterré à Damas, où est basé le Jihad islamique, qui est en réalité une organisation palestinienne sunnite vassale de la Syrie alaouite des Assad et de l’Iran chiite des mollahs.

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Hassan Nasrallah consacrera une grande partie de son discours à ces personnalités « jihadistes », qui « si les circonstances le permettaient, ils mériteraient un hommage national et des cérémonies commémoratives ». Il l’a expliqué en long et en large, urbi et orbi, dans l’indifférence générale des autruches, des hezbollahi-compatibles et des idiots utiles du Hezb.

Cela ne l’a pas empêché de consacrer le reste de son discours à la situation financière au Liban. « Les Américains empêchent le transfert de quantités suffisantes et nécessaires de dollars au Liban », ils font même « pression sur la Banque du Liban pour éviter d’injecter des dollars en quantité suffisante sur le marché ». Il a révélé même que « le Hezbollah ramène des dollars au Liban. Où et comment, c’est une autre histoire… La question du dollar est un complot contre le Liban, le peuple libanais, l'économie libanaise et la livre libanaise, avant qu'il ne soit un complot contre la Syrie. » Et patati et patata et blablabla. Wlak ya sayyed Hassan, avec ce décore et ce discours le 16 juin, les Américains n’ont nullement besoin de « faire pression » sur la Banque centrale libanaise, ni de « retenir les transferts » du billet vert vers le Liban, qui est leur monnaie nationale soit dit au passage !, ni d’organiser je ne sais quel « complot » contre le pays du Cèdre. Certains le font beaucoup mieux qu’eux, en faisant tout ce qui est possible et imaginable pour saboter la « confiance » dans notre pays.

Je laisserai le mot de la fin au chef du Hezbollah lui-même. Une fois n’est pas coutume, je partage entièrement son constat. « Voyons dans cette affaire de dollar qui est notre ennemi, notre adversaire et notre problème (…) Reconnaissons nos massacreurs et nos bouchers (…) Sachons qui humilie notre pays et notre peuple, afin de savoir comment traiter le problème de la manière la plus appropriée. » Il ne croit pas si bien dire, sauf que les autruches, les imposteurs et les idiots utiles sont légion dans nos contrées 🤔


© 2011-2020 Bakhos Baalbaki