samedi 27 juin 2020

Un juge des référés interdit aux médias libanais d'interviewer l'ambassadrice des Etats-Unis au Liban (Art.808)


L’iranisation du Liban ne passera pas ! Le plus grotesque dans la décision du juge des référés de Sour prise il y a quelques heures, est son début et sa fin. « Au nom du peuple libanais (...) il est interdit aux médias libanais et étrangers travaillant sur le territoire libanais -tv/radio/presse/internet- d’interroger l’ambassadrice des Etats-Unis au Liban pendant un an, sous peine de fermeture administrative du média fautif pendant un an et d'une amende de 200 000 US $. » C'est tragi-comique ! Le magistrat des référés, qui normalement prend des dispositions à caractère urgent en attendant le jugement sur le fond, se prononce sur une contrainte d'un an, non mais quelle mascarade ! En tout cas, entre le début et la fin, on a droit à une dissertation bâclée, rédigée à la demande d’une plaignante libanaise de Tyr, sur comment Dorothy Shea aurait par ses déclarations à la chaine arabe al-Hadath, « porté atteinte au peuple libanais » et « menacé la paix civile et la cohabitation ».

Il va falloir rappeler à Mohamad Mazeh, مع حفظ الالقاب وكامل الاحترام , qu'il donne l'impression d'avoir séché quelques cours à la fac, portant sur la liberté de la presse et des libertés individuelles au Liban, qui sont garanties par la Constitution de la République libanaise, dans le préambule, ainsi que dans les articles 8 et 13. « La liberté d’exprimer sa pensée par la parole ou par la plume, la liberté de la presse, la liberté de réunion et la liberté d’association, sont garanties dans les limites fixées par la loi ». En se prononçant sur « un des partis libanais, qui a une représentation importante au niveau parlementaire et ministériel, et une base populaire conséquente », Dorothy Shea, n’a pas enfreint les lois libanaises contrairement à ce que prétend le juge libanais. En partageant les déclarations de l'ambassadrice américaine, les médias libanais non plus n'enfreindront pas les lois en vigueur au Liban. La réalité est ailleurs. Dorothy Shea et les médias qui partagent ses déclarations, transgressent plutôt les usages que le Hezbollah tente d'imposer au Liban, nuance. Si les déclarations de l'ambassadrice américaine sont déplacées, pour l'Etat libanais bien entendu, il revient au ministre libanais des Affaires étrangères et personne d'autre de réagir à l'incident diplomatique, et non à un juge de le faire, des référés en plus, un samedi pendant que les dirigeants libanais sont aux abonnés absents.

N'en déplaise à Mohamad Mazeh, les déclarations de l’ambassadrice américaine ne conduisent pas à « une nouvelle discorde ». Il faut arrêter de mentir et de croire ses propres mensonges ! Mais au fait, de quelle discorde s’agit-il au juste ? La discorde entre les Chiites et les Sunnites ? Elle date de la nuit des temps, il y a 1 388 ans pour être précis, bien avant la découverte de l'Amérique. La discorde entre l’Iran et l’Arabie saoudite ? Elle est en place depuis deux générations déjà (1979). La discorde entre le 8-Mars et le 14-Mars ? Elle a eu lieu quand Hassan Nasrallah a dit « Merci à la Syrie des Assad » et est allé soutenir militairement ce que l’autre camp considère comme une tyrannie. La discorde entre le Hezbollah et ses alliés, et le reste des Libanais ? Elle est dans les cœurs et les esprits d'une partie du « peuple libanais » au nom duquel ce juge de Tyr prétend se prononcer, depuis que le Hezbollah est accusé de l’attentat terroriste qui a couté la vie à l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri et à 21 autres personnes en 2005, et surtout, depuis que ce parti milicien est le principal obstacle à l’édification d’un état de droit et au retour de la prospérité au pays du Cèdre.

Cette décision est digne de l’Iran, pas du Liban. Elle est à la fois absurde et d'une stupidité inqualifiable. Elle est essentiellement politicienne et juridiquement infondée. Elle est prise dans une double violation de la Constitution libanaise qui garantit la liberté de la presse et de la Convention de Vienne qui régit les relations diplomatiques. De ce fait, elle doit être cassée et déclarée nulle et non avenue. Et avant que je n’oublie, que les autruches de notre contrée et les idiots utiles du Hezbollah -qui pavoisent bêtement sans se rendre compte que ce juge politisé jusqu'à la moelle vise à museler la presse libanaise et non l'ambassadrice américaine- aient la présence d'esprit de prévenir Mohamad Mazeh, que la monnaie au Liban est la livre libanaise et non le dollar américain. Eh oui, il va falloir corriger cette erreur grotesque et réécrire à la main comme le veut la tradition, les cinq pages du jugement ou l'annuler pour vice de forme 😊


© 2011-2020 Bakhos Baalbaki