jeudi 4 juin 2020

Les homicides aux États-Unis et dans le monde : beaucoup de fausses informations et de surprises (Art.793)


On peut faire dire ce qu’on veut aux chiffres surtout quand ils concernent la répartition ethnique et notamment quand ils sont faux. Depuis quelques jours des statistiques sur les homicides aux États-Unis circulent sur les réseaux sociaux. Hélas, une bonne partie d’entre elles est fausse.


- Les victimes « Blancs » sont essentiellement tués par des Blancs à hauteur de 81% (et non 16%). Ils sont tués par des Noirs à 16% (et non 81%).

- Les victimes « Noirs » sont essentiellement tués par des Noirs à hauteur de 89% (et non 97%). Ils sont tués par des Blancs à 8% (et non 2%).

Le soi-disant Crime Statistics Bureau est une entité bidon ! Les chiffres ont été inversés et modifiés dans les fake news, selon les besoins. Ces fakes stats ont déjà été reprises dans un tweet par Donald Trump en novembre 2015 et par le polémiste Eric Zemmour sur CNews il y a deux jours. Et pourtant, en réalité, voici ce qu’il en ressort : en matière de meurtres aux USA, chaque « race » s’occupe d’elle-même, elle n’a pas besoin de l’aide de l’autre.

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Et puisqu’on y est, pour compléter le sujet, trois séries de chiffres :

- Les 14 000 victimes de meurtres aux États-Unis sont des « Noirs » à 52,5% et des « Blancs » à 43%, c'est clair et c'est officiel. Par contre, pour ceux tués par la police, c'est plus compliqué, car il n'y a pas de statistiques officielles dans ce domaine. D'après certains médias, comme le Washington Post ou le Guardian, le nombre de Blancs tués par la police américaine dépasse en nombre absolu le nombre de Noirs. Rapportés à la démographie des deux populations, on estime qu'on a 2,5 fois plus de chance d’être tué par la police américaine quand on est Noir que lorsqu’on est Blanc. D'après le site « Killed By Police », très exhaustif sur le sujet, 1 004 personnes ont été tués par la police américaine en 2019, 24% d'entre elles étaient noires, alors les Noirs ne représentent que 13,4% de la population. Mais on sait aussi, que sur 2,2 millions de personnes incarcérées aux États-Unis (2013), 50% d’entre elles sont Afro-Américaines et 25 % des Latinos. Sans se voiler la face, on peut dire qu'il y a plus de « victimes noires » en général, mais aussi plus de « délinquance noire ». Les causes sont multiples et la situation est bien plus complexe que ne voudraient faire croire les adeptes de l'antiaméricanisme primaire. Dans tous les cas de figure, l’écrasante majorité des victimes, Noirs et Blancs, ne sont pas tués par des policiers, mais par des civils ! Houston we have a problem, et il est social.

- Les 328,2 millions d’Américains sont Blancs à 76,5% et Noirs à 13,4%. Et pourtant, un certain noir, Barack Hussein Obama, a été élu président des États-Unis à deux reprises, par les représentants de 70 millions d’électeurs américains (52,9% des 131,2 millions de votants en 2008, un record de participation ; les Noirs ne représentaient que 13% des électeurs, soit 2% de plus qu’en 2004, et les Latinos que 9%, soit 1%). Alors, pour présenter les Etats-Unis comme un pays profondément raciste, notamment dans la sphère des antiaméricanistes primaires, dans les pays arabes par exemple, il va falloir repasser !

- Elargissons le cercle de recherche et penchons-nous sur les taux d’homicide volontaire dans le monde, en se basant sur les chiffres de l'UN-ODC. Eh bien là, on a pas mal de surprises. En haut de la liste, on a les pays d’Amérique centrale, prévisible, et le Venezuela, pour lequel commandante Mélenchon était prêt à quitter l’Union européenne (entre 56 et 83 meurtres pour 100 000 habitants). Après les îles paradisiaques, dangereuses par ailleurs, on a l’Afrique du Sud, le Brésil et le Mexique (19 à 34 meurtres). Défilent ensuite des pays africains et des pays arabes . Mais figurez-vous que les Etats-Unis, malgré 300 millions d’armes à feu en circulation, n’arrivent qu’à la 90e place (avec 5,4 meurtres pour 100 000 habitants), soit la moitié du taux de la Russie, qui arrive à la 44e position (avec 11 meurtres). Et devinez qui n’est pas loin des Etats-Unis ? Mais oui, c’est le Liban ! Nous sommes à la 107e position (avec 4 meurtres pour 100 000 habitants). Autre surprise, dans les pays du Sud de l’Europe -Italie, Espagne, Portugal, Grèce- à la mauvaise réputation, il y a presque 2 fois moins de meurtres pour 100 000 habitants, que dans les autres pays européens à la bonne réputation (Belgique, France, Allemagne, Royaume Uni, Suède, etc.). Une dernière, le taux d'homicide de la Turquie est quatre fois celui de la Grèce (0,8), le taux d’Israël est deux fois celui de la Palestine (0,7). C'est la Suisse de l'Orient question homicides, on aurait tout vu !

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Des meurtres odieux et des bavures policières, il y en a tous les jours et partout dans le monde. Le racisme a certainement joué un rôle central dans la mort de George Floyd, mais il n’explique pas entièrement ce meurtre odieux. Le sentiment de toute puissance du policier, pas qu'aux Etats-Unis, y a contribué. Toujours est-il que le racisme fait partie de l’Amérique, mais ce n’est pas l’Amérique. Il fait partie de l’Occident, mais ce n’est pas propre à l’Occident. Il est vieux comme le monde car il fait partie intégrante des êtres humains.

Le meurtre de George Floyd est odieux, mais ce fait divers ne doit pas faire oublier la réalité. Que l’on soit femme ou homme, quand on fait partie d’une minorité -que l’on soit étranger, noir ou blanc, chrétien, musulman ou juif, hétéro ou homosexuel, et j’en passe et des meilleurs- nulle part dans ce monde on peut vivre sa différence d'une manière paisible autant que dans les pays occidentaux.


© 2011-2020 Bakhos Baalbaki