vendredi 19 juin 2020

Samir Geagea avoue enfin, qu'il aurait commis une erreur en poussant à l'élection de Michel Aoun comme président de la République libanaise (Art.804)


Pas tout à fait comme certains l’ont espéré et comme d’autres l’ont présenté وأخيرًا بق البحصة الحكيم 🤩 Voici exactement ce que Samir Geagea, chef du parti des Forces libanaises, a dit au quotidien koweitien al-Qabas à propos de l’accord de Meerab et de l’élection de Michel Aoun. « À première vue, cette impression est peut-être correcte (l’accord a eu plus d’inconvénients que d’avantages pour les FL), mais je ne l’ai pas sentie en pratique (…) A l’époque, nous avons estimé, cela pourrait être faux, que l’élection du général Aoun valait mieux que la vacance (du poste présidentiel)… Nous étions devant deux choix. » Trop de « peut-être » pour dégager une certitude.

Le problème de l’accord de Meerab, c’est qu’officiellement, c’est un accord Geagea-Bassil/FL-CPL, alors qu’officieusement, c’est un accord Geagea-Aoun. C’est un détail pour certains, mais enfin, le diable est dans les détails. C’est un couple à trois, trois présidentiables de surcroit, comment voulez-vous qu’il tienne ? Encore un détail, ce jour-là, c’est l’hôte Geagea qui avait lu urbi et orbi les engagements pris entre les deux partis, pas Aoun et Bassil. Les invités étaient physiquement devant el-Hakim, mais mentalement, ils étaient ailleurs, avec el-Sayyed. Sur le fond, l’accord Geagea-Aoun, avec Bassil caché dans le placard, incluait un volet secret, le partage des parts chrétiennes du fromage. Et c’est là où réside la tare originelle de l’accord de Meerab, ses auteurs espéraient calquer le modèle chiite. Au duo Berri-Nasrallah, on a voulu opposer le duo Geagea-Aoun. Erreur, les leaders chiites se retrouvent sur pratiquement tout, enfin l’essentiel, les leaders chrétiens sur quasiment rien, enfin pas sur les questions stratégiques, notamment au sujet du Hezbollah et de la Syrie des Assad.

Le problème de l’élection de Michel Aoun à l’initiative de Samir Geagea, est qu’on a offert la présidence de la République au général sur un plateau en argent !

- D’une part, l’élection n'était pas méritée. Les amnésiques sélectifs l’ont oublié vite, l’élection de Michel Aoun a eu lieu après le boycott par le général et ses alliés, de 44 séances parlementaires et une vacance du poste présidentiel de près de 900 jours. Son élection était une prime au blocage. Et encore, le général n’était pas à son premier blocage du fonctionnement démocratique des institutions libanaises. De décembre 2006 à mai 2008, le Parlement libanais et le centre-ville de Beyrouth étaient fermés par Berri, Nasrallah et Aoun, responsables d’une vacance présidentielle qui a duré six mois.

- D’autre part, l’élection était sans contrepartie. Figurez-vous, j’étais le premier opposant au 8-Mars, à proposer le nom d'un des piliers de ce camp, Michel Aoun, pour la présidence de la République, la veille de la vacance du pouvoir en mai 2014, près de deux ans avant Hakim. Mais à la différence de Samir Geagea, j’avais fixé une condition, que Michel Aoun déchire dans l’Eglise Mar Mikhael et devant les caméras, le « Document d’entente » qu’il avait signé le 6 février 2006 avec Hasssan Nasrallah ! Eh oui, les paroles s’envolent, les gestes restent.

Cela étant dit, je ne suis pas de ceux qui croient que tous nos problèmes viennent de l’arrivée au pouvoir de Michel Aoun. Les prérogatives du président de la République sont si limitées, qu’il ne possède pas le luxe de peser réellement sur les décisions politiques au Liban. Ce sont les rapports de force au sein du Parlement, ainsi que l’hégémonie du duo chiite Berri-Nasrallah sur l’Etat libanais, qui décident de ce qui se fait et ne se fait pas au pays du Cèdre. Aoun président ou pas, le duo Aoun-Bassil tire sa force de son parti, le Courant patriotique libre, et de ses électeurs et sympathisants. La faute politique impardonnable de ces deux leaders chrétiens, c’est d’utiliser cette force électorale et populaire chrétienne, pour soutenir le parti-milicien chiite du Hezbollah, une anomalie qui empêche l’édification d’un Etat de droit au Liban et le retour de la prospérité au pays du Cèdre.

En tout cas, la faute commise dans l’élection de Michel Aoun, « bonjour hakim », est avant-tout une faute collective, elle est partagée par tout l’échiquier politique libanais. Ses alliés bien sûr, Hassan Nasrallah et Nabih Berri, comme ses adversaires bien entendu, Saad Hariri et Walid Joumblatt, « bonjourein ya chabeb ». Sans eux, l’élection du général n’aurait pas eu lieu. Avec ou sans Samir Geagea, l’élection du général était assurée. L'erreur politique de Joumblatt et de Hariri est grande. L’accord de Meerab et la candidature de Michel Aoun n’auraient jamais vu le jour si plusieurs mois auparavant, dès l’été 2015, le Courant du Futur n’avait pas proposé Sleimane Frangié, l’ex-ennemi juré de Geagea, celui qui considère Hassan Nasrallah comme le « souverain de tous » et Bachar el-Assad comme son « frère », pour la présidence de la République libanaise. C’est donc au tour de ces deux hommes politiques, notamment Saad Hariri, de faire leur mea culpa. Oh ce n’est pas demain la veille. Le Beik est une girouette qui tourne au gré du vent et des intérêts. Quant à cheikh Saad, il multiplie les rencontres, les déjeuners et les grands sourires ces derniers jours, avec Nabih Berri, Walid Joumblatt et Sleimane Frangié. Il ne manquerait plus qu'il partage une فتة حمص avec Hassan Nasrallah وعفى الله عن ما مضى . Seuls Michel Aoun, Gebrane Bassil et Samir Geagea ne trouvent plus grâce à ses yeux. Comprenne qui pourra. C'est à se demander si nous n'assisterons pas au lancement d'un Meerab 2.0 ? Peut-être que oui, peut-être que non. Bienvenue au Liban 🤔


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