mercredi 29 janvier 2020

Donald Trump donne le coup de grâce à la solution à deux Etats au conflit israélo-palestinien : nous sommes passés de "la terre contre la paix" à "l'argent contre l'implantation" (Art.721)


Le plan de paix « De la paix à la prospérité » proposé par l’administration américaine est censé mettre un terme au conflit qui oppose les Arabes et les Juifs depuis l’organisation du premier congrès sioniste il y a 123 ans (1897), les Israéliens et les Palestiniens depuis la création de l’État d’Israël il y a 72 ans (1948). Son volet politique a été dévoilé mardi 28 janvier par le président Donald Trump (qui fait l’objet d’une procédure de destitution pour « abus de pouvoir » et « entrave à la bonne marche du Congrès »), en présence du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu (lui-même inculpé pour « corruption », « malversations » et « abus de confiance »), mais sans le président palestinien, Mahmoud Abbas (avec lequel #Trump ne s’est pas entretenu depuis deux ans). Cela donne une idée sur le degré de sérieux des parrains d’un « Deal du siècle » préparé par un novice en politique, Jared Kushner, qui ne doit sa mission que parce qu’il est gendre du premier et grand défenseur du second. Difficile de faire plus surréaliste et plus grotesque.

Pour les détails surprenants, nous avons été bien servis. D’après ce plan :
- #Israël se voit octroyer le droit d’étendre sa souveraineté sur la vallée du Jourdain et d'autres localités palestiniennes. 1re objection et de taille, c’est un tiers de la « Cisjordanie occupée », comme le reconnait l’ONU, qui est offerte aux Israéliens comme cadeau de divorce.
- Israël pourra également annexer en toute illégalité les colonies de la Cisjordanie occupée « sans attendre ». 2e objection et de taille, puisque la Palestine ne sera plus qu’une espèce d’archipel d’ « îlots palestiniens » qui se réduit comme une peau de chagrin, afin d’assurer le bien-être de 600 000 colons israéliens, dont la totalité est en situation illégale d’après le droit international, et dont l’écrasante majorité s’est installée après la signature des accords d’Oslo par Yasser Arafat et Yitzhak Rabin (1993).
- Jérusalem restera la « capitale indivisible d’Israël ». 3e objection et ça veut être sérieux.
- Les Palestiniens devront se contenter d’une capitale quelque part à l’est, au fin fond de la banlieue de Jérusalem. 4e objection et ça vous parle de plan de paix.
- L’État palestinien proposé devra être démilitarisé, pas l’État israélien, qui possède un arsenal conséquent et plusieurs centaines d’ogives nucléaires, de quoi réduire tout le Moyen-Orient en cendre. 5e objection et j’en passe et des meilleures.

Le plan américain est une insulte à la justice et au bon sens, à l’ONU et au droit international, au Conseil de sécurité et aux dizaines de résolutions votées depuis plus de 70 ans sur le partage de la #Palestine, la solution à deux États, le retour aux frontières de 1967 et le statut de Jérusalem. C’est une évidence. Mais il y a encore plus grave et il est ailleurs, là où le diable s’est caché. Il réside dans les non-dits du « deal du siècle ». Le plan Trump-Kushner est spécialement concocté pour soulager Israël comme on l’a vu précédemment. Et il le fait magistralement sur un point, celui qui pose le plus de soucis pour l’État hébreux, à savoir, le sort des 5,5 millions de réfugiés palestiniens et de leurs descendances. C’est une bombe démographique à retardement. Voilà pourquoi il n’est jamais vraiment sur la table des négociations et pratiquement toujours en dehors des plans de paix. Alors de quelle paix vous parlez messieurs les imposteurs ?

Pour bien saisir l’enjeu du volet politique du plan américain, il faut revenir sur le volet économique de ce dernier. Les grandes lignes ont été révélées au mois de juin 2019. C’était la carotte avant le bâton. On prévoit l’injection de plus de 50 milliards de dollars dans les économies de la région sur dix ans : 27,813 milliards de dollars en Cisjordanie et à Gaza, 9,167 milliards en Égypte, 7,365 milliards en Jordanie et 6,325 milliards au #Liban. On dénombre 200 projets économiques au total. Théoriquement, tout est programmé en faveur des Palestiniens. En pratique, tout est fait dans l’intérêt de l’État hébreux, qui n’aura même pas à mettre la main à la poche, malgré la colonisation et la spoliation des terres palestiniennes depuis plus d’un siècle, ce sont essentiellement les pays arabes et européens qui devraient payer les factures !

Au pays du Cèdre, les projets concerneront les infrastructures, le transport, les routes, l’aéroport Rafic Hariri et les ports de Tripoli et de Beyrouth. Y a-t-il un quelconque rapport direct avec les Palestiniens ? Aucun. Quel sera le prix à payer pour le Liban ? Exorbitant, comme pour les autres pays arabes. Avec Trump & Kushner, nous sommes passés de « la terre contre la paix », à « l’argent contre l’implantation » des Palestiniens là où ils s’étaient réfugiés à cause des guerres, des massacres et de l’oppression. Pour le Liban, la facture s’élèvera à l’enracinement de facto ou de jure de 475 075 réfugiés palestiniens enregistrés officiellement auprès de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), en violation de la Constitution de la République libanaise.

Le plan de paix Trump-Kushner a tout de même un mérite. Il permet de bien comprendre ce que Gideon Levy a annoncé il y a plus de trois ans. « La solution à deux états est déjà morte ». C’est Donald Trump qui lui a donné le coup de grâce. Je rejoins le journaliste israélien sur un autre point. Aujourd’hui, il ne reste à Israël que deux options : un « État d'apartheid », travaux en cours, ou un « État démocratique », où Israéliens et Palestiniens, naissent, demeurent et vivent libres et égaux en droits, et dans le même pays. Quand on y songe, c’est un dilemme en réalité. Et si nous en sommes là, c’est avant tout à cause des choix des Israéliens qui ont tout fait pour saboter toute solution pacifique à ce conflit. C’est aussi à cause des Palestiniens, mais aussi des Arabes, qui ont cru que la violence pouvait conduire à autre chose qu’au désastre. La responsabilité des Américains dans ce fiasco est énorme à cause de leur soutien inconditionnel à Israël malgré les violations du droit international par ce dernier. Enfin, on ne peut que regretter que les responsables indirects de ce conflit centenaire soient aux abonnés absents : les Européens en général et les Anglais en particulier, ainsi que les Turcs.


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