mercredi 15 janvier 2020

La chasse aux sorcières et l'incendie de pneus au menu de la "semaine de la colère" au Liban (Art.710)


Dimanche une poignée de Libanais ont décidé d’intervenir à La Parrilla, un restaurant réputé du quartier de Gemmayzé à Beyrouth. Après les mésaventures du ministre Youssef Fanianos et de la députée Sethrida Geagea, c’est au tour de Sami Fatfat et de Tarek Merhbi d’en faire les frais et d’en payer le prix. Le personnel a essayé de raisonner les protestataires en leur faisant remarquer que leur intervention nuisait au fonctionnement normal de l’établissement. En vain, ils réclamaient l’expulsion sur le champ des députés présents. Comme c’était prévisible la situation a fini par dégénérer. Des employés ont repoussé les intrus qui ne voulaient pas quitter les lieux, les insultes ont fusé et on est venus aux mains.

Nous sommes tous en colère. Certains depuis 90 jours. D’autres comme moi, ont oublié quand ils ont commencé à l'être. Chacun de nous a son moyen d’exprimer sa colère. Nous sommes nombreux à ne pas être partisans de bruler des pneus -comme aujourd’hui à Jbeil, l'acte le plus primitif de l'homo sapiens libanis- de s’attaquer aux forces de l’ordre, de s’immoler par le feu et de menacer de faire tout sauter avec une bonbonne de gaz, comme on l’a vu tout à l’heure sur le Ring à Beyrouth. C’est illégal, polluant, nuisible, criminel et suicidaire ! Nous sommes aussi nombreux à être farouchement contre ces actions collectives dans les banques et chez les opérateurs téléphoniques, mais aussi dans les restaurants et les centres commerciaux, dirigées contre les politiciens et les banquiers, qui affectent indirectement et gravement le fonctionnement des entreprises libanaises.

Pacifique, pacifique, pacifique, nous dit-on. Il n’empêche que ce nouveau modus operandi, bannir des lieux publics tout représentant de la nation, est plus un caprice juvénile qu'un acte révolutionnaire. C'est une violation de la Constitution et des lois libanaises. Voilà pourquoi nous sommes quelques uns à ne pas adhérer à cette coalition de bobos/cocos/zozos-révolutionnaires, dont les actes sont non seulement illégaux, mais qui de surcroit relèvent du nombrilisme et de la stupidité, un triptyque qui pourrait menacer le travail de beaucoup de nos compatriotes et accélérer l’effondrement de l’économie libanaise sur la tête de tous les Libanais.

La pression était telle que la direction des restaurants La Parrilla et Em Sherif, fut obligée de rédiger un communiqué de presse pour s’excuser de ce qui s’est passé et s’engager à « infliger les plus lourdes sanctions à l’encontre des employés impliqués » dans la bagarre. Mireille Hayek, la patronne des lieux, a cru que caresser les révolutionnaires dans le sens du poil allait les amadouer. Quelle naïveté ! Une offensive sur les réseaux sociaux a conduit au blocage temporaire des pages de La Parrilla sur Facebook, Twitter et Instagram. Voilà comment s'exprime une révolution qui se transforme en fascisme, par la pensée unique et l'intolérance ! L’avocat Wassef el Haraké a même déposé plainte contre le restaurant. Et qu’en est-il des violations des lois libanaises par les pseudo-révolutionnaires ? Non mais je rêve et puis quoi encore ? Ces derniers ont tous les droits et aucun compte à rendre on dirait. Eh bien dommage, ils ignorent à quel point ils sont proches des politicards.

La Parrilla a été victime d’un Kangaroo Court, immature et irresponsable. C’est dans l’air du temps. Certes, les braves employés n’avaient pas à agresser les imposteurs révolutionnaires. Il n’empêche, qu’à un moment où gagner sa vie et joindre les deux bouts devient mission impossible au Liban, menacer l’emploi des autres est un acte criminel et défendre son emploi face à une incontrôlable horde hystérique doit être récompensé et non sanctionné. Hélas, La Parrilla s’est transformé lui-même en un Kangaroo Court à l’égard de ses employés. Que tout ce petit monde à côté de la plaque sache, il revient seuls aux tribunaux, juges et avocats de trancher tout litige au Liban, de quelque nature que ce soit.

Aujourd’hui devait être une journée de colère pour booster la révolution. Il en ressort une image terrifiante, signée Joseph Eid (AFP). Nous sommes devant un dilemme. Que faire face à ces تماسيح de crocodiles qui nous gouvernent ? Leur caresser le ventre et leur gratter le menton gentiment ? Non évidemment. Faire la chasse aux sorcières des représentants de la nation et monter des Kangaroo Courts ? Non plus. Oui il faut agir, mais pas de ces manières stupides comme on le voit un peu partout depuis un moment. Quitte à choisir je préfère être avec l'Abrass, الابرص, ce fils de la rue d’Ain el-Réméneh à qui on a demandé رح تضللو قاطعين الطريق كل النهار اليوم, et qui a répondu ح نيك ربها للطريق, « plus que jamais » mais à sa manière, qu'avec ces hordes bobos-cocos-zozos révolutionnaires qui attaquent banques et restaurants. Ce qu'ils font donne une image beaucoup plus terrifiant que celle des volutes de fumée noire. Lui au moins est un authentique révolutionnaire et une vraie victime de l’incompétence de la classe politique toute confondue, et pas un imposteur nombriliste né de la dernière pluie du 17 octobre, plus obsédé par ces posts sur les réseaux sociaux que par ces actions sur le terrain. On ne se bat pas contre le Parlement des singes pour nous retrouver avec de stupides Kangaroo courts ! Focus sur Hassann Diab, un tocard qui doit être retiré de la course sur le champ, afin de former au plus vite un gouvernement compétent et espérer que le Liban ne partira pas à la dérive 🇱🇧


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