mercredi 15 janvier 2020

En Inde, on détruit les infractions immobilières, au Liban, on les régularise, depuis 1964 ! (Art.711)


C’était ce weekend au sud-ouest de l’Inde, dans la province de Kerala. Sur décision émanant de la Cour suprême, les autorités indiennes ont ordonné la destruction de quatre gratte-ciels au bord d’une lagune. 343 appartements de luxe ont été réduits en gravats. La justice indienne a motivé cette décision exceptionnelle au niveau mondial par le fait que ces tours résidentielles ont été construites en violation des « lois du littoral » à l’origine d’un « important préjudice pour l’environnement ».

De l’autre côté, au nord-ouest de la Mer d’Arabie, au #Liban, les lois de protection de l’environnement sont piétinées depuis la nuit des temps et en toute impunité. Jamais personne n’a été inquiété parce que notre justice est dépendante des hommes politiques, les juges n’osent pas parfois appliquer la loi. Au niveau littoral, on a le célèbre cas du Lancaster Eden Bay, une horreur qui a défiguré ce qui aurait pu devenir la plus belle plage de la Méditerranée orientale, située à deux pas du coeur de Beyrouth, Ramlet al-Baïda. C’est ce qui se passe aussi à l'intérieur, comme par exemple avec le cas de Marj Bisri au Sud-Liban, un barrage qui va détruire 6 000 000 m2 de la prairie-vallée la plus magnifique et la plus préservée du pays du Cèdre. Il est toujours temps d'agir contre ces aberrants projets comme le prouve l'exemple indien. Ce qui manque c'est la volonté politique de laisser les juges exercés librement leur métier.

L’urbanisation sauvage du Liban est très révélatrice de la problématique libanaise. Chez nous, au lieu de détruire les constructions qui ne respectent pas les lois en vigueur -du politicien, du notable comme du citoyen lambda; complexe balnéaire, immeuble en entier, maison, étage supplémentaire, balcon, etc.- on procède tout simplement à leur régularisation et régulièrement svp. Tout Libanais sait depuis le biberon, qu'il peut construire illégalement tout ce qui lui passe par la tête, sans se donner la peine de demander la moindre autorisation et sans respecter les normes en vigueur, il peut être assuré qu'un jour ou l'autre, son infraction immobilière sera régularisée sans problème et à peu de frais.

La 6e régularisation en masse a eu lieu en juin dernier, moins de 4 mois avant le début du soulèvement populaire contre une classe politique défaillante. Et l'on disserte encore sur les raisons d'être de cette révolution ! Tenez-vous bien, les infractions immobilières ont été régularisées entre 1964 et 2016, soit au total sur une période de plus 50 ans ! C'est hallucinant. Et l'on s'étonne encore que le Liban est dans un sale pétrin !

Les politiciens libanais méritent tout le mépris qui s’exprime actuellement dans la rue. Ils sont non seulement incompétents mais irresponsables en plus. Mais si des hommes politiques corrompus votent des régularisations régulièrement, c’est qu’il y a des compatriotes corrompus pour qui la violation des lois en vigueur est un acquis social quand ce n'est pas un droit permanent. Et ce ne sont pas les justifications qui manquent. La fraude concerne tous les domaines au Liban, sans exception : immobilier, électricité, eau, impôts, douane, TVA, évasion fiscale, etc. Cachez-moi cette vérité que certains ne voudraient certainement pas voir ! Elle ternit l’image d’Epinal de la Révolution du 17 octobre, celle d’un pauvre peuple exploité par les leaders libanais, qui en réalité se venge en pillant l’Etat, c'est-à-dire le bien commun. Rien n’a changé depuis que le grand Ziad Rahbani en a fait un constat. انو الزعماء عم يستغلوا الشعب والشعب معتر او الشعب عم يستغل الزعماء والزعماء معترين 😊 Trêve de plaisanterie, comme toujours dans des cas semblables, ce sont les honnêtes gens qui en font les frais et les gentils contribuables qui en paient le prix. Bienvenue au Liban.

Combattre efficacement la corruption nous contraint à en finir avec la justification et la valorisation de la violation des lois et de l’impunité, aux niveaux sociale et judiciaire à la fois. C'est une évidence sur le plan judiciaire, mais il ne faut pas sous-estimer le chantier au niveau social. Tout لبناني حربوء aussi débrouillard soit-il, est un corrompu de la même espèce que le politicard qu'il prétend combattre aujourd'hui. Il y a des degrés dans la corruption, nul doute là-dessus. Mais c’est clair que le salut du Liban réside dans l’indépendance de la justice et l’application stricte des lois en vigueur sur TOUS, politiciens ET citoyens, à petite comme à grande échelle. En d’autres termes, cela doit se traduire par la double édification d’un « Etat de droit », avec séparation total du pouvoir judiciaire des pouvoirs politique et financier, et d’un « état de droit », imposant la même législation à tout le monde et aux quatre coins du territoire libanais. Pour cette raison, je reste personnellement opposé à الاستعرضات والسطلنات certains actes stupides et nombrilistes commis par des pseudo-révolutionnaires dans les banques, les restaurants et les centres commerciaux, mais aussi dans la rue, comme nous l'avons observé avec les attaques abjectes politiciennes suspectes qui ont eu lieu hier soir dans la rue Hamra, sous couvert qu'elles étaient dirigées contres la mafia des banques ! Tant que nous ne l’avons pas compris, il ne faut pas rêver, nous n’aurons qu’une République bananière, où l'arbitraire prime et où « la raison du plus fort est toujours la meilleure ». Dixit Jean de La Fontaine. C'est la fameuse ferme dont parlait Bachir Gemayel #مزرعة


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