🇱🇧 Qui s’est rendu à Beyrouth ces derniers jours a cru un instant qu’il s’était trompé de destination. Sur la route menant de l’aéroport Rafic Hariri au centre-ville, la capitale libanaise a un air de Téhéran depuis le 4 janvier. Les portraits géants de Qassem Soleimani le commandant de Faïlak el-Qods tué lors d’un raid américain en Irak sont partout. Son titre posthume a été choisi méticuleusement : « Seigneur des martyrs de l’axe de la Résistance ». Remplacez « Résistance » par « Hezbollah », ça vous donnera une idée précise de la place du chef militaire iranien pour la milice chiite libanaise et son public.
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Quelques heures après son assassinat, la suite des événements m’a semblé évidente. « D’ores et déjà, on peut dire adieu aux gentils technocrates de Hassann Diab au Liban. La situation va certainement empirer. Le nouveau gouvernement ne peut plus être neutre, il sera clairement pro-iranien et anti-américain. » Et alors que la révolution libanaise était entrée dans une sorte de routine et la formation du gouvernement suivait son cours pépère, subitement la tension est montée d’un cran. C’est que tous les protagonistes commencent à s’impatienter. Certains ont intérêt à augmenter la pression. On assiste à une convergence des intérêts.
• Primo, il y a le peuple libanais, il n’en peut plus. Il a l’impression d’être pris en otage et de se retrouver entre le marteau et l'enclume. Plus de 90 jours de révolte pour pas grand-chose à l’arrivée, les restrictions bancaires s’inscrivent dans la durée, la livre libanaise a perdu la moitié de sa valeur, les prix s’envolent, les routes sont régulièrement coupées, les incendies de pneus crachent des particules toxiques dans l’air et les poumons, les soins hospitaliers sont menacés, les pénuries d’hydrocarbures sont monnaie courante, les coupures électriques sont pires qu’à l’époque de la guerre, etc.
• Secundo, il a les politiciens, ils sont sur le qui-vive. La cote du Premier ministre désigné ne fait que dégringoler depuis dix jours. Ses parrains ont commencé à faire plus ou moins savoir que Hassann Diab n’est peut-être pas l’homme de la situation. On a même évoqué un gouvernement politique pour faire face à la nouvelle donne géopolitique à la suite de l’assassinat ciblé du général iranien. L’opposition est en état d’alerte. Saad Hariri a averti qu’il ne restera pas les bras croisés. Samir Geagea réclame des élections législatives anticipées. Walid Joumblatt a même proposé le ministère de l’Énergie à Carlos Ghosn.
• Tertio, il y a le Hezbollah, il est dans une position paradoxale. D’un côté, il savoure ses victoires. Il a réussi à placer à la présidence de la République, Michel Aoun, un fidèle allié qui n’a raté aucune occasion pour le défendre. Son intervention en Syrie a permis de sauver la tyrannie d’Assad à long terme et de préserver l’axe chiite Téhéran-Bagdad-Damas-Beyrouth. Les élections législatives au Liban lui ont donné une majorité parlementaire confortable. D’un autre côté, les menaces sont nombreuses. La plus ancienne, c’est le Tribunal spécial pour le Liban, son verdict dans l’assassinat de l’ex-PM libanais, Rafic Hariri, est attendu dans l'année. La plus récente, l’assassinat de Qassem Soleimani. Entre les deux, il y a les douloureuses sanctions américaines. La révolte libanaise ne le menace pas du tout, puisque les révolutionnaires descendants des autruches évoquent tout sauf l’anomalie qu’il constitue au Liban. Mais il y a quelques foyers chiites de contestation qui l’inquiètent un peu et qu'il a vite maté.
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On ne va se mentir, le peuple et la société civile, ainsi que les partis politiques d’opposition, ont des marges de manœuvre assez limitées. Seul le Hezbollah et ses alliés, Amal et CPL, disposent de véritables options d'actions aujourd’hui au Liban, et ceci pour trois raisons principales : ils sont au pouvoir, ils ont la rue et les institutions et ils portent les armes, avec un bonus de taille, ils n’hésitent pas à recourir à la violence et au blocage pour parvenir à leurs fins. Qui suit les événements depuis 72 heures sait que le Hezbollah et ses alliés sont passés à l’action. Profiter du mécontentement général pour retourner la situation a leur avantage, amplifier l’agitation de la rue et la focaliser sur les banques, à ce moment précis des événements, rentre dans le cadre d’un plan d'actions qui se concentre sur trois personnalités :
• Primo, Hassann Diab, le Premier ministre désigné. Depuis l’assassinat de Qassem Soleimani, il ne fait plus l’affaire, il est trop faible et influençable en cas de confrontation USA-Iran. Le problème est que le narcissique s’accroche à son nouveau costard. L’agitation de la rue et quelques pressions politiques suffiront à le faire tomber afin de trouver un remplaçant hezbollahi-compatible indéfectible. A défaut, celles-ci permettront de mieux le formater.
• Secundo, Joseph Aoun, le commandant de l’armée libanaise. Depuis le 17 octobre 2019, lui aussi il ne fait plus l’affaire. Alors que la situation est extrêmement tendue sur le terrain, il a réussi à assurer le maintien de l’ordre, le respect des lois en vigueur, la préservation des libertés d'expression et de circulation, et la protection des institutions, des biens et des personnes, tant bien que mal, à part quelques incidents regrettables par-ci par-là, qui sont sans commune mesure avec ce qui se passe en France et aux États-Unis dans des conditions comparables. Halte aux exagérations hystériques. Toujours est-il qu'Aoun, Bassil, Berri et Nasrallah aimeraient qu’il les débarrasse des protestataires une fois pour toutes. En vain. C’est là où intervient l’agitation de la rue hezbollahie depuis lundi, elle vise à déborder l’armée libanaise pour la pousser à commettre un faux pas, assumer la responsabilité d’une telle bavure par Joseph Aoun et se débarrasser de l’actuel commandant de l’armée libanaise au profit d’un général plus commode. Personne n’a vraiment compris pourquoi le général Joseph Aoun a tenu à déclarer au début de la semaine : « Un jour viendra où on dira que l'armée a sauvé le Liban ». C’est une mise en garde subtile pour ses nombreux détracteurs qui aimeraient le voir à la retraite.
• Tertio, Riad Salameh, le gouverneur de la Banque centrale. C’est avant tout la bête noire de Hassan Nasrallah et de Michel Aoun, car il applique les sanctions américaines contre le Hezb au Liban et il est le dernier représentant de la politique financière initiée sous Rafic Hariri. C’est aussi la bête noire des bobos-cocos-zozos révolutionnaires, tous ces imposteurs de la révolution ! C’est également la bête noire de beaucoup de Libanais, les victimes sincères des restrictions bancaires et de la situation économique difficile. Il est devenu le bouc-émissaire idéal. Beaucoup de monde veut sa peau. Rue Hamra à Beyrouth comme à Tripoli et partout ailleurs, des manifestants hétérogènes attaquent la Banque du Liban, l’Association des banques du Liban et les agences bancaires. Les fidèles du Hezb-Amal-CPL, anti-révolution d’habitude, retrouvent soudainement la fibre révolutionnaire. Les protestataires habituels ferment les yeux, pour ne pas trop manifester leur joie indécente. Chutttt, ne pas déranger, révolutionnaires, émeutiers et voyous sont en harmonie, ils accordent leurs instruments sur le même diapason. Pour s’en convaincre, il suffit de lire quelques posts surréalistes individuels sur les réseaux sociaux et de voir la foule devant la caserne Hélou hier et les nombreux appels de ladite société civile, réclamant la libération de personnes arrêtées dans le cadre d'émeutes violentes. Et ça prétend construire un état de droit !
*
Le Hezbollah a séduit une partie du Hirak, le mouvement de contestation. Il vient de réussir un 7-Mai de velours. C’est le début de la fin si nous ne prenons pas garde. Lorsque Hassann Diab tombera, personne ne le pleurera, même pas ses voisins de palier. Le Hezbollah a besoin de ses adversaires pour gouverner, notamment d'un respectable Premier ministrable comme Saad Hariri, qui a du poids à l'intérieur et à l'extérieur du pays du Cèdre, afin de retrouver la confiance de la communauté internationale et les fonds nécessaires pour relancer l’économie libanaise. On peut donc agir pour peser sur son remplaçant. Mais, le jour où Joseph Aoun et Riad Salameh tomberont, nous ne pourrons pas peser sur leurs remplaçants. Ceux-ci seront certainement hezbollahi-compatibles. Ces deux postes étant réservés à la communauté maronite, les heureux élus seront forcément du Courant patriotique libre, l’allié fidèle du Hezbollah, qui détient la majorité, dans la rue et les institutions. Si ce jour arrive, il n’y aura ni confiance ni prêt ni don ni rien du tout de la part des pays arabes et occidentaux. Nous nous mettrons tous en route pour le Venezuela, avec la perspective d'une inflation à 1 000 000 %. Les véritables victimes de la situation n’auront plus que les yeux pour pleurer. On entendra les cris et les grincements des dents. Mais il sera trop tard. Les « idiots utiles » qui ont aidé le Hezbollah à atteindre ses objectifs peuvent dire adieu à leur argent et se consoler en lisant cette magnifique fable de Jean de La Fontaine, « L’avare qui a perdu son trésor » ↓ Mettez une pierre à la place de votre argent, elle vous vaudra tout autant. A bon entendeur, salut 🤺
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Quelques heures après son assassinat, la suite des événements m’a semblé évidente. « D’ores et déjà, on peut dire adieu aux gentils technocrates de Hassann Diab au Liban. La situation va certainement empirer. Le nouveau gouvernement ne peut plus être neutre, il sera clairement pro-iranien et anti-américain. » Et alors que la révolution libanaise était entrée dans une sorte de routine et la formation du gouvernement suivait son cours pépère, subitement la tension est montée d’un cran. C’est que tous les protagonistes commencent à s’impatienter. Certains ont intérêt à augmenter la pression. On assiste à une convergence des intérêts.
• Primo, il y a le peuple libanais, il n’en peut plus. Il a l’impression d’être pris en otage et de se retrouver entre le marteau et l'enclume. Plus de 90 jours de révolte pour pas grand-chose à l’arrivée, les restrictions bancaires s’inscrivent dans la durée, la livre libanaise a perdu la moitié de sa valeur, les prix s’envolent, les routes sont régulièrement coupées, les incendies de pneus crachent des particules toxiques dans l’air et les poumons, les soins hospitaliers sont menacés, les pénuries d’hydrocarbures sont monnaie courante, les coupures électriques sont pires qu’à l’époque de la guerre, etc.
• Secundo, il a les politiciens, ils sont sur le qui-vive. La cote du Premier ministre désigné ne fait que dégringoler depuis dix jours. Ses parrains ont commencé à faire plus ou moins savoir que Hassann Diab n’est peut-être pas l’homme de la situation. On a même évoqué un gouvernement politique pour faire face à la nouvelle donne géopolitique à la suite de l’assassinat ciblé du général iranien. L’opposition est en état d’alerte. Saad Hariri a averti qu’il ne restera pas les bras croisés. Samir Geagea réclame des élections législatives anticipées. Walid Joumblatt a même proposé le ministère de l’Énergie à Carlos Ghosn.
• Tertio, il y a le Hezbollah, il est dans une position paradoxale. D’un côté, il savoure ses victoires. Il a réussi à placer à la présidence de la République, Michel Aoun, un fidèle allié qui n’a raté aucune occasion pour le défendre. Son intervention en Syrie a permis de sauver la tyrannie d’Assad à long terme et de préserver l’axe chiite Téhéran-Bagdad-Damas-Beyrouth. Les élections législatives au Liban lui ont donné une majorité parlementaire confortable. D’un autre côté, les menaces sont nombreuses. La plus ancienne, c’est le Tribunal spécial pour le Liban, son verdict dans l’assassinat de l’ex-PM libanais, Rafic Hariri, est attendu dans l'année. La plus récente, l’assassinat de Qassem Soleimani. Entre les deux, il y a les douloureuses sanctions américaines. La révolte libanaise ne le menace pas du tout, puisque les révolutionnaires descendants des autruches évoquent tout sauf l’anomalie qu’il constitue au Liban. Mais il y a quelques foyers chiites de contestation qui l’inquiètent un peu et qu'il a vite maté.
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On ne va se mentir, le peuple et la société civile, ainsi que les partis politiques d’opposition, ont des marges de manœuvre assez limitées. Seul le Hezbollah et ses alliés, Amal et CPL, disposent de véritables options d'actions aujourd’hui au Liban, et ceci pour trois raisons principales : ils sont au pouvoir, ils ont la rue et les institutions et ils portent les armes, avec un bonus de taille, ils n’hésitent pas à recourir à la violence et au blocage pour parvenir à leurs fins. Qui suit les événements depuis 72 heures sait que le Hezbollah et ses alliés sont passés à l’action. Profiter du mécontentement général pour retourner la situation a leur avantage, amplifier l’agitation de la rue et la focaliser sur les banques, à ce moment précis des événements, rentre dans le cadre d’un plan d'actions qui se concentre sur trois personnalités :
• Primo, Hassann Diab, le Premier ministre désigné. Depuis l’assassinat de Qassem Soleimani, il ne fait plus l’affaire, il est trop faible et influençable en cas de confrontation USA-Iran. Le problème est que le narcissique s’accroche à son nouveau costard. L’agitation de la rue et quelques pressions politiques suffiront à le faire tomber afin de trouver un remplaçant hezbollahi-compatible indéfectible. A défaut, celles-ci permettront de mieux le formater.
• Secundo, Joseph Aoun, le commandant de l’armée libanaise. Depuis le 17 octobre 2019, lui aussi il ne fait plus l’affaire. Alors que la situation est extrêmement tendue sur le terrain, il a réussi à assurer le maintien de l’ordre, le respect des lois en vigueur, la préservation des libertés d'expression et de circulation, et la protection des institutions, des biens et des personnes, tant bien que mal, à part quelques incidents regrettables par-ci par-là, qui sont sans commune mesure avec ce qui se passe en France et aux États-Unis dans des conditions comparables. Halte aux exagérations hystériques. Toujours est-il qu'Aoun, Bassil, Berri et Nasrallah aimeraient qu’il les débarrasse des protestataires une fois pour toutes. En vain. C’est là où intervient l’agitation de la rue hezbollahie depuis lundi, elle vise à déborder l’armée libanaise pour la pousser à commettre un faux pas, assumer la responsabilité d’une telle bavure par Joseph Aoun et se débarrasser de l’actuel commandant de l’armée libanaise au profit d’un général plus commode. Personne n’a vraiment compris pourquoi le général Joseph Aoun a tenu à déclarer au début de la semaine : « Un jour viendra où on dira que l'armée a sauvé le Liban ». C’est une mise en garde subtile pour ses nombreux détracteurs qui aimeraient le voir à la retraite.
• Tertio, Riad Salameh, le gouverneur de la Banque centrale. C’est avant tout la bête noire de Hassan Nasrallah et de Michel Aoun, car il applique les sanctions américaines contre le Hezb au Liban et il est le dernier représentant de la politique financière initiée sous Rafic Hariri. C’est aussi la bête noire des bobos-cocos-zozos révolutionnaires, tous ces imposteurs de la révolution ! C’est également la bête noire de beaucoup de Libanais, les victimes sincères des restrictions bancaires et de la situation économique difficile. Il est devenu le bouc-émissaire idéal. Beaucoup de monde veut sa peau. Rue Hamra à Beyrouth comme à Tripoli et partout ailleurs, des manifestants hétérogènes attaquent la Banque du Liban, l’Association des banques du Liban et les agences bancaires. Les fidèles du Hezb-Amal-CPL, anti-révolution d’habitude, retrouvent soudainement la fibre révolutionnaire. Les protestataires habituels ferment les yeux, pour ne pas trop manifester leur joie indécente. Chutttt, ne pas déranger, révolutionnaires, émeutiers et voyous sont en harmonie, ils accordent leurs instruments sur le même diapason. Pour s’en convaincre, il suffit de lire quelques posts surréalistes individuels sur les réseaux sociaux et de voir la foule devant la caserne Hélou hier et les nombreux appels de ladite société civile, réclamant la libération de personnes arrêtées dans le cadre d'émeutes violentes. Et ça prétend construire un état de droit !
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Le Hezbollah a séduit une partie du Hirak, le mouvement de contestation. Il vient de réussir un 7-Mai de velours. C’est le début de la fin si nous ne prenons pas garde. Lorsque Hassann Diab tombera, personne ne le pleurera, même pas ses voisins de palier. Le Hezbollah a besoin de ses adversaires pour gouverner, notamment d'un respectable Premier ministrable comme Saad Hariri, qui a du poids à l'intérieur et à l'extérieur du pays du Cèdre, afin de retrouver la confiance de la communauté internationale et les fonds nécessaires pour relancer l’économie libanaise. On peut donc agir pour peser sur son remplaçant. Mais, le jour où Joseph Aoun et Riad Salameh tomberont, nous ne pourrons pas peser sur leurs remplaçants. Ceux-ci seront certainement hezbollahi-compatibles. Ces deux postes étant réservés à la communauté maronite, les heureux élus seront forcément du Courant patriotique libre, l’allié fidèle du Hezbollah, qui détient la majorité, dans la rue et les institutions. Si ce jour arrive, il n’y aura ni confiance ni prêt ni don ni rien du tout de la part des pays arabes et occidentaux. Nous nous mettrons tous en route pour le Venezuela, avec la perspective d'une inflation à 1 000 000 %. Les véritables victimes de la situation n’auront plus que les yeux pour pleurer. On entendra les cris et les grincements des dents. Mais il sera trop tard. Les « idiots utiles » qui ont aidé le Hezbollah à atteindre ses objectifs peuvent dire adieu à leur argent et se consoler en lisant cette magnifique fable de Jean de La Fontaine, « L’avare qui a perdu son trésor » ↓ Mettez une pierre à la place de votre argent, elle vous vaudra tout autant. A bon entendeur, salut 🤺